Quand Moscou fait un chèque de 5 milliards d'euros à son industrie aéronautique civile

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  528  mots
Le SuperJet 100 de Sukhoï Copyright Reuters (Crédits : <small>DR</small>)
Plusieurs ministères et administrations russes sont sur le point de passer une très grosse commande de 130 appareils civils pour une valeur de 5 milliards d'euros en vue de soutenir quatre programmes mal en point, dont l'avion régional de Sukhoï, le SuperJet 100.

L'industrie aéronautique russe s'apprête à recevoir un sérieux coup de pouce de Moscou qui a décidé de soutenir des programmes aujourd'hui en difficulté. Dans ce cadre, plusieurs ministères et administrations russes sont sur le point de passer une mégacommande d'un montant de cinq milliards d'euros pour 130 appareils au consortium d'Etat OAK, créé en février 2006 par Vladimir Poutine et qui regroupe les principales unités de constructions civiles et militaires de Russie : Sukhoï, MiG, Tupolev, Iliouchine, Yakovlev, Beriev et Irkout. 

C'est le vice-ministre de l'industrie russe, Iouri Slioussar, qui a vendu la mèche en révélant au quotidien "Vedomosti" les "futurs clients" d'OAK : les ministères de la défense et des situations d'urgences, le FSB (ex-KGB, sécurité d'Etat) et l'administration présidentielle. La taille de la commande est sans précédent et va garantir d'importants volumes de production à OAK. Les appareils concernés sont le Superjet 100, l'avion régional du constructeur Sukhoi, le Tupolev 204, le concurrent de l'Airbus 321, l'Antonov 148, un avion régional coproduit avec l'Ukraine, et, enfin, l'Iliouchine 476, une version modernisée de l'avion cargo Il-76.

Renouvellement de la flotte du ministère de la Défense

Cette mégacommande de 130 apareils va obliger OAK, qui ne produit que 20 avions par an dans les bonnes années, à s'organiser industriellement pour soutenir une forte montée des cadences de production. Car les livraisons sont regroupées sur les six prochaines années. OAK possède actuellement un carnet de commandes de 400 appareils, dont une petite moitié de SuperJet 100 (179). Les timides résultats commerciaux de l'avion s'expliquent par une prudence des compagnies aériennes occidentales, qui attendent de voir si le constructeur va corriger les "maladies d'enfance" de l'appareil, exploité pour l'instant par la compagnie russe, Aeroflot. Les trois autres appareils ne comptent qu'une poignée de commandes. OAK continue de faire l'essentiel de son chiffre d'affaires grâce au marché militaire.

D'ici à 2018, le ministère de la Défense russe va devoir mettre à la casse 80 appareils civils obsolètes, principalement des Tu-134, Tu-154 et Il-18, qui ont déjà disparu au cours des trois dernières années des parcs des compagnies commerciales. Pour l'expert Andreï Chenk, analyste chez Investcafe, "le soutien étatique à OAK se définira précisément par des commandes d'Etat. Il est vraisemblable que ces avions seront dans un second temps transmis à des compagnies aériennes par le mécanisme du leasing. Il est tout aussi vraisemblable que les principaux programmes soutenus par les commandes d'Etat seront le MS-21 [un moyen courrier en développement] et le Superjet-100".

Forte concurrence à OAK

OAK aura d'autant plus besoin de commandes d'Etat que le régulateur russe vient d'accorder mercredi sa certification à l'avion régional brésilien Embraer ERJ-190, surnommé "Tueur de Superjet" par la presse russe. Enfin, les compagnies russes boudent la renaissance de l'industrie aéronautique civile nationale. Et ce en dépit des pressions et des incitations du Kremlin et des difficultés our acheter des appareils étrangers, qui se heurtent aux barrières protectionnistes... Mais elle doivent en principe disparaître avec l'entrée de la Russie dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC).