Pourquoi les compagnies aériennes américaines ont-elles plus de Boeing que d'Airbus

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  633  mots
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Pour gagner des parts de marchés aux Etats-Unis, Airbus assure qu'il faut produire sur le sol américain pour séduire les compagnies locales qui achètent Boeing. Plus que la préférence nationale, cette apparente priorité donnée aux avions "made in USA" provient notamment de la taille gigantesque des flottes d'avions des compagnies américaines, dont une grande partie est composée d'appareils commandés avant la livraison du premier A320 en 1987, ou quand celui-ci n'avait pas encore assis son succès.

Pour justifier la construction d'une usine d'assemblage final d'A320 aux Etats-Unis, Airbus assure qu'il s'agit là du moyen d'entamer le patriotisme des compagnies aériennes américaines. Pour preuve argumente l'avionneur européen, sa part de marché s'élève à 20% environ aux Etats-Unis alors qu'il fait jeu égal avec Boeing ailleurs.

Des avions achetés quand Airbus n'avait pas décollé

Il est vrai que dans l'ensemble de la flotte des compagnies américaines, la part de Boeing est écrasante. Les raisons n'ont en réalité pas grand chose à voir avec des questions de préférence nationale. Ce poids des avions américains provient notamment de la taille gigantesque des flottes d'avions des compagnies américaines, dont une grande partie (les moyen-courriers, l'essentiel du parc) est composée d'appareils commandés avant la livraison du premier A320 en 1987, ou quand celui-ci n'avait pas encore assis son succès d'aujourd'hui et encore moins une production intensive. En outre, la mauvaise santé financière des compagnies américaines à partir des années 2000, leur a coupé les ailes pour renouveler leur flotte. C'est pour cela que la part des avions américains (Boeing ou McDonnell Douglas racheté par ce dernier...) sont encore largement majoritaires dans les flottes américaines, même s'ils sont mis progressivement sur la touche avec la politique de réduction des capacités depuis cinq ans.

D'où aujourd'hui l'énorme besoin de renouvellement des flottes moyen-courriers. Cet historique favorable donne un avantage à Boeing dans les campagnes. Quantité de raisons d'organisation (qualification des pilotes, homogénéité de la flotte entre les vieux avions en opération et ceux qui entrent progressivement dans la flotte...) rendent le remplacement d'un appareil par son successeur de nouvelle génération (un B737 par un B737 Max) moins coûteux. C'est ainsi que Southwest ou Delta ont choisi le B737 Max plutôt que l'A320 Neo.

Pour autant, Airbus a de sérieux atouts. Ses performances sur le sol américain ces dernières années en témoignent. L'avionneur européen a su séduire un grand nombre de compagnies américaines United (dont le siège est à Chicago comme celui de Boeing) US Airways, Jetblue, Frontier, Virgin America, Republic Airways et American Airlines, l'un des plus gros clients de Boeing.

Et l'A380?

Reste la question de l'A380. Christine Lagarde, quand elle était à Bercy, avait pointé l'absence de compagnies américaines dans la liste des clients du superjumbo. Il y en avait tout de même deux pour la version cargo, FedEx et UPS qui ont finalement annulé leurs commandes avec le dérapage du programme. Dans la version passagers, il est vrai qu'aucune compagnie ne l'a commandé jusqu'à présent (la Chine n'en a acheté ques cinq exemplaires). Déjà, comme dit précédemment, elles n'avaient pas les moyens. Ensuite, il n'est pas sûr que cet appareil soit bien adapté aux réseaux d'un grand nombre de compagnies. Peu de compagnies américaines disposent encore de B747 (United, Delta en héritage de Northwest), privant Airbus de ce marché de renouvellement. En outre, le développement à l'international des transporteurs américains est relativement récent (depuis la moitié de la dernière décennie notamment). Ce défrichage s'est de fait opéré avec des appareils de moindre capacité. Pour autant, l'A380 peut séduire les compagnies américaines pour la desserte de la zone Asie-Pacifique.

Si le patriotisme américain n'est plus à démontrer dans les contrats de défense (EADS l'a appris à ses dépens avec l'annulation du contrat des avions ravitailleurs de l'US Air Force en 2008, il est donc plus que discutable dans l'aéronautique civile. C'est pour cela que la création d'une usine d'assemblage final sur le sol américain n'apportera pas de commandes supplémentaires.