New York - Paris sans CO2, c'est pour juin 2015

Par Frédéric Thual, à Nantes  |   |  734  mots
L'aviation verte, un combat que pourrait gagner Raphaël Dinelli avec son aéronef Eraole./ DR
Le premier vol transatlantique sans empreinte carbone pourrait se faire à bord de L’Eraole, un avion propulsé grâce à l'énergie solaire et à un carburant à base... d’algues vertes.

Le vol devra durer deux jours et deux nuits. Soit une cinquantaine d'heures. Avec pour seul mode de propulsion, l'électricité fournie grâce à l'énergie solaire captée par les panneaux photovoltaïques recouvrant la structure de l'aéronef (25%) et un combustible propre élaboré à base d'algues vertes (75%). « C'est tout l'enjeu », résume Raphaël Dinelli, initiateur de la fondation Océan Vital et du projet Eraole, engagé cette fois dans une course en faveur de l'aviation verte.

« La règle d'or, c'est : pas de carburant fossile et pas d'émission de CO2. »

Passionné par le développement durable, ce marin chevronné, qui s'est illustré en effectuant plusieurs transatlantiques, des tours du monde et le Vendée Globe (2008), a construit sa maison bioclimatique avec des matériaux sains en 1998.

Avant de créer, dix ans plus tard, la fondation Océan Vital, dédiée à la recherche d'énergies renouvelables, aux Sable-d'Olonne, et d'embarquer éoliennes et panneaux solaires à bord de son 60 pieds pour le Vendée Globe de 2008. C'est ainsi qu'est progressivement née l'idée de l'Eraole, un biplan hybride de 750 kg, capable d'atteindre une vitesse de pointe de 140 km/h, sans émission de CO2.

Lancé en 2009, ce projet réunit une dizaine d'autres passionnés, experts, ingénieurs et techniciens et de nombreux soutiens, dont les centres d'études techniques et d'ingénierie dans l'aéronautique et l'aérospatiale, l'Onera et Andheo qui ont cherché à limiter la traînée dans l'air et validé les performances aérodynamiques de cette innovation volante.

De son côté, la fondation a mis au point et breveté des panneaux flexibles encapsulés de cellules solaires incrustées dans un matériau composite, offrant un taux de rendement très élevé. En cours de certification, ce procédé, testé sur des bus (Renault) et le train Rayon vert (SNCF), fournira 25% de l'énergie nécessaire à la propulsion et renforcera la résistance mécanique de la structure de l'aile sans trop augmenter le poids de l'appareil.

« Pour parcourir une distance aussi longue, une batterie serait trop lourde, estime Raphaël Dinelli. Il faut donc fabriquer l'énergie à bord. »

S'il fut un temps question d'utiliser l'hydrogène, les équipes ont dû se résoudre à l'abandonner en juin dernier. Outre les dangers de ce gaz, sa stabilité dans les réservoirs rendait la navigation difficile. D'où un plan B : les algues vertes.

Menées depuis l'an 2000 par le laboratoire GEPEA (Génie des procédés environnement et agroalimentaire), à Saint-Nazaire, les études sur les micro-algues auraient déjà permis de mettre au point un dérivé de souches d'algues qui, associé à du gas-oil, permet de faire tourner un moteur diesel. Reste à trouver une solution fiable fonctionnant avec une substance 100% verte pour faire tourner une génératrice d'électricité.

« En cours de développement, la production du laboratoire pourrait permettre de fournir les 150 à 200 litres de carburant nécessaire », assure Raphaël Dinelli, qui devra alors tester et valider la motorisation avec l'École centrale de Nantes.

Plus que quinze mois pour trouver 2,4 millions

Une course contre la montre alors que le projet, labélisé par les pôles de compétitivité Tennerdis (Rhône-Alpes) et tout récemment EMC2 (Pays de la Loire), cherche à s'entourer de partenaires industriels pour financer et concevoir l'outillage nécessaire à la réalisation du fuselage de l'Eraole. Il permettra, notamment, de valider l'ergonomie de l'engin.

« L'avion n'est pas vraiment le problème, assure Laurent Manach, directeur général d'EMC2. Le projet présente une rupture technologique et une vraie vision d'avenir. Une démarche grandeur nature sur l'association de nouvelles technologies (matériaux composites, algues vertes, encapsulation, etc.). Grâce à de faibles émissions de carbone, on peut imaginer des débouchés sur les marchés de l'aviation de tourisme dans le Pacifique, par exemple. »

Sur un budget global de 5,7 millions d'euros, il manque aujourd'hui 2,4 millions, dont 800000 pour réaliser la vingtaine de pièces et de moules. Face aux risques de se faire griller la politesse par les multiples projets d'aviation verte en cours de chantier dans le monde, Raphaël Dinelli estime que les quinze mois restants correspondent au temps nécessaire à la préparation d'un Vendée Globe. Sur les traces de Charles Lindbergh, il a déjà commencé les cours de pilotage. Objectif : être fin prêt pour la fenêtre météo du solstice d'été 2015.