Airbus : le gâchis incroyable de la gestion du programme A400M

Par Michel Cabirol  |   |  1036  mots
Airbus Group a fait savoir la semaine dernière qu'il présenterait d'ici la fin février son planning de livraisons d'A400M pour 2015 avec ses différents pays clients.
Domingo Ureña-Raso quitte son poste de vice-président exécutif suite à différents retards rencontrés dans la livraison de l'avion de transport militaire. Il sera remplacé par Fernando Alonso, vice-président en charge des vols d'essai.

La malédiction de l'A400M a finalement coûté son poste de directeur de la branche aviation militaire à Domingo Ureña-Raso pourtant promis à un bel avenir dans la branche défense et espace d'Airbus. Successeur potentiel du directeur général d'Airbus DS, Bernhard Gerwert, il n'était pas d'accord avec la direction du groupe sur les mesures correctrices visant à remettre le programme A400M d'équerre.

Le groupe tire ainsi les conséquences de la "situation critique" du programme de l'A400M, dont la montée en puissance industrielle s'accompagne de nouveaux retards mais qui est un appareil très novateur sur le marché avec des performances inédites. Domingo Ureña-Raso, qui devrait prendre d'autres responsabilités dans le groupe, paie surtout pour la dernière réorganisation à l'été 2013 des activités d'aviation de transport militaire, qui était dans le giron d'Airbus.

Pourtant remis au carré dans le cadre d'Airbus où les compétences sont nombreuses dans le domaine de l'aéronautique, le programme A400M s'est retrouvé dans une division en pleine restructuration alors que l'avion était encore sur un chemin critique dans le cadre de son développement. Un gâchis incroyable alors que les équipes de Fabrice Brégier avaient réussi à redresser à partir de 2009 la barre d'un programme mal né et mal maîtrisé pendant de longues années par les équipes espagnoles, qui n'avaient pas forcément les compétences pour gérer un projet de cette ampleur. Aussi les nouveaux avatars du programme sont imputables à ceux qui ont joué au meccano de la restructuration du groupe.

Fernando Alonso aux commandes

Le compatriote de Domingo Ureña-Raso, Fernando Alonso, qui dirige actuellement les essais en vol des avions militaires d'Airbus, intégrés début 2014 dans la nouvelle division Airbus Defence & Space, lui succède. Il "a une profonde connaissance de l'A400M ainsi que des programmes d'autres avions militaires", a précisé le groupe dans un communiqué. Le président d'Airbus Group, avait annoncé mardi 27 janvier des changements de gestion et d'organisation au sein du groupe. "Ces changements organisationnels sont conçus pour permettre des opérations plus efficaces à l'intérieur de la division d'Airbus Defence and Space et de mettre le programme A400M ainsi que son industrialisation en mesure de mieux répondre à des lacunes qui existent actuellement", a expliqué le groupe aéronautique.

"Nous faisons face à des retards dans les livraisons et dans le développement des capacités militaires", a souligné jeudi soir lors d'une réception avec la presse à Paris, le président d'Airbus Group, Tom Enders. "Ce n'est pas une catastrophe mais c'est suffisamment significatif", a-t-il ajouté en assurant lors de voeux à la presse, que son groupe travaillait "aussi dur que possible pour prendre des mesures correctives". "Nous n'avons pas exécuté le travail comme nous l'aurions souhaité et je dois m'en excuser", a toutefois affirmé Tom Enders.

"Je m'attends à ce que la nouvelle équipe se penche rapidement sur les lacunes existantes de la manière la plus efficace", a déclaré de son côté le directeur général d'Airbus Defence and Space, cité dans le communiqué d'Aribus DS. Tous les aspects industriels du programme de l'avion militaire seront ainsi placés sous la responsabilité directe de branche Opérations, dirigée par Pilar Albiac Murillo, tandis que les questions liées au développement et aux livraisons aux clients resteront dans le périmètre de la branche Aviation militaire, sous la direction de Rafael Tentor, directeur du programme A400M.

L'Allemagne très critique

Le groupe a subi de vives critiques en Allemagne de la part de la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, en raison de problèmes concernant l'A400M. Elle rencontre ce vendredi à Berlin le numéro deux du groupe, Marwan Lahoud pour faire le point sur le programme. "Il y a plus en jeu que la seule image d'une entreprise industrielle, il est question de la fiabilité de l'Allemagne dans ses alliances" militaires, a déclaré la ministre à l'hebdomadaire "Der Spiegel". Après environ quatre années de retard, l'Allemagne a reçu en décembre le premier A400M sur les 53 qu'elle a commandés.

Déplorant qu'Airbus n'ait pas le souci de la qualité du produit, la ministre a déclaré attendre désormais que "l'entreprise mette tout en oeuvre, afin que les conséquences de ses problèmes internes sur la Bundeswehr (armée allemande) soient aussi minimes que possible". D'après "Der Spiegel", le contrôle par l'armée de l'appareil a décelé "875 manquements", dont des gaines isolantes manquantes sur certains câbles électriques. En fait, ce serait 1.300 manquements... mais comme on le souligne dans le groupe tous les premiers avions militaires (chasse ou transport) livrés dans le monde sont dans ce cas. La France a par exemple accepté ses A400M, qui ne sont pas si différents de celui reçu par les Allemands.

Des pénalités pour Airbus Group

Airbus Group s'attend à payer des pénalités aux pays clients de l'avion de transport militaire A400M qui a connu de nouveaux retards, a déclaré jeudi le président exécutif du groupe, Tom Enders. "Nous aurons certainement à payer des pénalités, nous devons de l'argent à nos clients", a expliqué Tom Enders. "Cette fois, nous ne retournerons pas vers nos clients pour demander des fonds supplémentaires. C'est le groupe qui doit régler cela", a-t-il ajouté, évoquant le renflouement de 3,5 milliards d'euros obtenu en 2010 de la part de ses sept pays clients. Tom Enders a également ajouté que les résultats du groupe pour 2014, qui seront publiés le 27 février, étaient "bons".

Enfin, Airbus Group a fait savoir la semaine dernière qu'il présenterait d'ici à fin février son planning de livraisons d'A400M pour 2015 avec ses différents pays clients. Le groupe européen avait reconnu en novembre des retards dans l'ajout de nouvelles fonctionnalités dans certains avions, notamment en termes de ravitaillement en vol. Mi-janvier, Der Spiegel rapportait que seuls deux avions sur cinq pourraient être livrés à l'Allemagne cette année en raison de problèmes d'assemblage du fuselage.