"Je veux proposer des aides auditives à des prix accessibles, comme dans l'optique"

Par Propos recueillis par Audrey Tonnelier  |   |  962  mots
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Le fondateur et président du conseil de surveillance de la célèbre enseigne d'optique, qui se lance dans les prothèses auditives, détaille ses ambitions et répond aux critiques.

La première boutique Alain Afflelou Acousticien ouvrira début avril, rue d'Anjou à Paris. Pourquoi cette diversification ?
Je m'y intéresse en professionnel. J'ai un diplôme d'audioprothésiste et durant les premières années de ma carrière, de 1972 à 1978, j'ai exercé à la fois dans l'optique et l'audioprothèse. Ensuite, j'ai dû fermer le rayon acoustique de mon magasin du Bouscat, à Bordeaux, pour que mes employés se consacrent pleinement à l'optique. J'avais jusqu'ici toujours considéré que ce sont deux activités différentes et pas complémentaire : on est soit opticien, soit audioprothésiste. Mais il y a dix-huit mois, on m'a proposé de me lancer dans l'audio en me présentant un patron potentiel. Entre-temps, cette personne est partie car elle n'était pas en mesure d'être responsable de tout un réseau de franchisés, mais j'étais lancé.

Que pensez-vous pouvoir apporter dans les prothèses auditives ?

Mon constat : le frein numéro un sur ce marché, c'est le complexe lié au port d'aides auditives. Je veux dédramatiser cela. On n'est pas sourd parce qu'on entend mal, de même qu'on n'est pas aveugle quand on porte des lunettes !

Vos futurs concurrents, Audika et Amplifon en tête, n'ont donc pas fait ce travail ?

Depuis que nous parlons de notre projet, leur communication s'en trouve influencée. Ils montrent des personnes plus jeunes. Robert Hossein [ambassadeur publicitaire d'Audika, ndlr] n'est plus présent qu'en voix off ! Mais il faudra probablement plus d'une génération pour changer l'image des prothèses auditives, quasiment assimilée au port d'un pacemaker.

L'autre frein à l'achat est le prix : 1.500 euros en moyenne par oreille, remboursés à hauteur d'un tiers seulement. Allez-vous proposer des prix plus bas ?

Selon moi, le prix est surtout un prétexte. Il ne vient qu'après le frein psychologique. Mais nos prix colleront avec l'image d'Alain Afflelou : des produits de qualité, accessibles, au prix le plus juste. Nous ne voulons pas tuer le marché. Mais la concurrence stimule toujours les prix, et ceux qui donnent le sentiment d'être chers feront peut-être un peu plus attention.

Pourtant, vos concurrents justifient ces prix par les services associés (réglages, visites en magasin). Comment vous y prendrez-vous ?

C'est comme un hamburger : au Fouquet's, il coûte 30 euros, chez MacDo, seulement 4 euros ! Nous allons comprimer les marges et faire bénéficier le consommateur final des prix d'achats que nous obtiendrons auprès des plus grands fabricants (Philips, Siemens...), comme dans l'optique où nous achetons à Essilor, Hoya, Zeiss... Ces fabricants font faire leurs verres en Asie ou en Amérique du Sud pour être compétitifs et cela ne me choque pas du tout. Quand j'ai commercialisé les montures à prix coûtant, j'ai fait en sorte de rentabiliser mon loyer, mon électricité, et mon personnel. Cela dépend aussi du nombre de clients : un centre d'audition fait en moyenne 150 équipements par an, soit un tous les deux jours. Il pourra par exemple y avoir un audioprothésiste pour plusieurs magasins.

Concrètement, comment se présenteront les magasins Alain Afflelou Acousticien ?

Nous allons proposer aux audioprothésistes de devenir franchisés, en montant leur entreprise seuls ou avec des opticiens. Beaucoup de ces derniers ont des surfaces importantes, et 180 d'entre eux, soir la quasi-totalité de nos opticiens franchisés, sont déjà intéressés à partager des boutiques. Car les problèmes sont liés : nombre de presbytes commencent à souffrir de pertes d'audition à partir de 50-55 ans. Et il est plus facile de se renseigner sur le port de prothèses pendant qu'on achète des lunettes. A l'inverse, tous les gens qui achètent des prothèses ont, à leur âge, besoin de lunettes, au moins pour voir de près. Il y aura aussi des centres autonomes, comme le premier magasin que nous ouvrons à Paris le mois prochain, mais il est à un porche d'entrée du magasin d'optique.

Combien de magasins visez-vous ?

Nous comptons sur notre principal franchisé, propriétaire de 80 magasins en France (à Paris, Nice, Marseille, Toulouse, Lyon, Strasbourg...). C'est lui qui va ouvrir le premier magasin parisien et les deux prochains à Nice. Nous devrions avoir 150 franchisés d'ici dix-huit mois. J'espère ouvrir une cinquantaine de centres par an.

Le secteur de l'audition compte beaucoup de déçus : Leclerc, Grand Audition... Pourquoi réussiriez-vous là où d'autres ont échoué ?

Nous avons la chance d'avoir des opticiens qui n'ont pas besoin de cette activité supplémentaire pour gagner leur vie. Donc nous faisons les choses le mieux possible, sans précipitation. Il y a un marché important : seule une personne sur cinq est équipée, les besoins vont croissant. Nous pensons pouvoir prendre une part de ce marché sans risque financier car nous le ferons dans nos magasins, à loyer constant.

On a pu lire que vous visez 20 % de parts de marché...

Cela me semble très ambitieux. Nous n'avons pas d'objectif de part de marché et je pense qu'il y a de la place pour tout le monde.

Apparaîtrez-vous dans les publicités comme dans l'optique ?

C'est tentant mais risqué si je veux continuer à apparaître, ensuite, dans l'optique pour parler de mode à une population plus jeune. Dans l'optique nous investissons 7% de notre chiffre d'affaires dans la publicité. Dans l'audition, nous investirons ce qui nous semblera cohérent en terme de parts de marché.

Depuis l'an dernier, vous n'êtes plus PDG mais président du conseil de surveillance d'Afflelou. Allez-vous vous occuper plus particulièrement de ce nouveau réseau ?

Etant à l'initiative de ce projet, il me semble que je dois être tout près de ces développements. Nous sommes en train de recruter un directeur général. Mais je détiens 26% du capital d'Afflelou et je reste chef d'entreprise !