Le créateur du plus cher des vins de Bordeaux condamné pour escroquerie

Par latribune.fr  |   |  549  mots
Le vigneron a été condamné à 12 mois de prison avec sursis ainsi qu'à 30.000 euros d'amende, et devra en outre rembourser à l'organisme qui l'a subventionné la somme de 230.000 euros.
Son Liber Pater, un bordeaux en appellation graves, était vendu, essentiellement à l'étranger, à 3.000 euros la bouteille. Mais, afin d'obtenir une subvention pour le promouvoir, il a falsifié ses comptes.

Il a réussi un tour de force: celui de faire gonfler en quelques années le prix de son vin, un simple bordeaux en appellation graves auparavant inconnu, de 80 euros jusqu'à 3.000 euros la bouteille, sous le nom de Liber Pater. Mais, jeudi 14 janvier, il a été condamné pour escroquerie par le tribunal correctionnel de Bordeaux.

Une fausse comptabilité

Loïc Pasquet a été notamment considéré coupable d'avoir établi une fausse comptabilité afin de percevoir de FranceAgrimer, organisme public de soutien aux produits de l'agriculture et de la mer, quelque 600.000 euros de subvention pour faire la promotion de ses vins hors de l'Union européenne. Il a été condamné pour cette raison à 12 mois de prison avec sursis ainsi qu'à 30.000 euros d'amende, et devra en outre rembourser à FranceAgrimer la somme de 230.000 euros, correspondant à un versement de subventions en 2012. Un premier versement de FranceAgrimer de plus de 300.000 euros avait été réglé par la famille du vigneron.

L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), également partie civile pour non-respect du cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC), s'est pour sa part vu octroyer l'euro symbolique.

"Contraste entre le prestige supposé" et des chais"peu reluisants"

Selon le ministère public, Loïc Pasquet, ingénieur en matériau, "a produit des factures" par l'intermédiaire d'un partenaire financier en Chine, EuropAsia, "en sachant qu'elles ne correspondaient pas aux prestations réalisées", et a ainsi "sciemment trompé FranceAgrimer". Des problèmes de registre viticole manquant, de chaptalisation, de facturation, d'identification et de nombre de bouteilles déclarées ont également été pointés à l'audience.

Le Parquet s'est en outre étonné "du contraste entre le prestige supposé" et des chais "peu reluisants". Et la présidente du tribunal a fait part à l'audience de "vignes à l'abandon", selon un rapport d'experts, et s'est étonnée que le siège social de la EARL "Vignobles XO" soit "une simple boîte à lettres".

Selon l'avocate de FranceAgrimer, Me Elisa Corazza, Loïc Pasquet avait "développé un imaginaire autour d'un vin rare vendu 100 fois plus cher à des acheteurs étrangers, mais avait besoin avant cela d'une aide providentielle pour se développer". L'avocat de Loïc Pasquet, Me Michel Herlemont, a pour sa part estimé que son client est victime de son partenaire commercial chinois, "un escroc" qui souhaitait "faire main basse" sur un stock de bouteilles envoyées en Chine, et de "l'incompétence" de son cabinet comptable.

Un vin "au goût oublié"

Loïc Pasquet, qui vend son entière production à l'étranger, notamment en Russie et en Chine, a construit sa renommée en affirmant produire un vin "au goût oublié" provenant "de vieux cépages pré-phylloxériques". En 2011, il avait été distingué par la prestigieuse Revue du Vin de France comme "découverte de l'année".

Or les Liber Pater produits depuis 2004 sont un assemblage des cépages traditionnels du Bordelais, merlot et cabernet. Le vigneron s'est défendu en affirmant que ces cépages oubliés, plantés en 2010, ont été vinifiés pour la première fois avec la récolte 2015. Une enquête est également en cours après la découverte mi-novembre par Loïc Pasquet de quelque 500 de ses pieds de vignes coupés au sécateur.

(Avec AFP)