Seat, une épine espagnole dans le pied de Volkswagen

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  451  mots
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La firme de Barcelone perd chroniquement de l'argent. Ses ventes ont reculé l'an dernier. Centrée sur le marché européen en crise, cette marque du groupe allemand a du mal à se trouver une identité.

Il est rare qu'un nouveau modèle décide de... l'avenir d'une marque. Pourtant, la dernière berline compacte León, qui vient d'être commercialisée sur la plate-forme d'une Volkswagen Golf, est cruciale pour Seat, filiale espagnole chroniquement déficitaire du groupe allemand. « Elle doit nous permettre de revenir à l'équilibre financier », nous armait récemment Paul Sevin, directeur des ventes de la firme catalane. En attendant, Seat a encore perdu 95 millions d'euros (sur neuf mois de 2012), pour le huitième exercice consécutif! Un cas à part au sein des marques du premier consortium automobile européen, toutes largement bénéficiaires.
La firme ibérique est aussi la seule du groupe à avoir réduit ses ventes l'an passé (-8,3%, à 350000). « Il manque aujourd'hui 200000 voitures pour saturer les capacités de 500000 unités à l'usine de Martorell [Barcelone, ndlr] », souligne Christian Stein, directeur du marketing de la marque hispanique. Et ce malgré la production du 4x4 compact Audi Q3 sur le site Seat, histoire de le remplir.

Skoda rit quand Seat pleure

Créée par le général Franco au début des années 1950 avec l'aide de l'italien Fiat, Seat aurait dû être la marque à « bas prix » du groupe Volkswagen, qui l'a reprise en déshérence dans les années 1980. Avec pour passif une image de constructeur national lié à la dictature, aux produits médiocres et à la qualité de service, tout aussi mauvaise. Mais Seat n'a pas eu de chance. Car le mur de Berlin tombe aussitôt après le rachat. Volkswagen en profite pour acquérir le tchèque Skoda, à la barbe de Renault qui était aussi intéressé. Résultat : Skoda a pris progressivement la place de ce qu'aurait dû devenir Seat, avec un meilleur savoir-faire, des coûts plus bas et une plus grande proximité culturelle et industrielle avec l'Allemagne.

Un espoir avec la Leon
La réussite de Skoda a quelque peu marginalisé Seat et rendu son positionnement ambigu. La Société espagnole d'automobiles de tourisme fait plus ou moins double emploi avec le label tchèque, et l'accent mis sur le sport reste artificiel, tout comme la référence au prétendu art de vivre méditerranéen, qui, en matière automobile, est italien mais absolument pas espagnol!
Misant dès lors sur Skoda, qui a très tôt réalisé des profits, le groupe germanique a négligé « l'intercontinentalisation » de Seat. Empêtrée dans ses pertes, faute d'argent frais, la marque n'a pu investir hors d'Europe, contrairement à Skoda, et se retrouve aujourd'hui centrée sur le seul marché européen, saturé et en crise. La León, une voiture a priori réussie, saura-t-elle à redresser la barre?