L'Europe, un marché automobile exigeant et concurrentiel à faibles marges

Par Alain-Gabriel Verdevoye, à Genève  |   |  816  mots
Le site Ford de Genk doit fermer. Copyright Reuters
Fiat, Ford, GM, Honda perdent beaucoup d'argent sur le Vieux continent. L'Europe est un débouché beaucoup moins profitable que le Japon, les Etats-Unis, la Russie ou la Chine. Un vrai handicap pour les marges des groupes tricolores.

L'Europe ne réussit pas à tout le monde. Et bien des constructeurs automobiles perdent beaucoup d'argent sur un marché considéré comme le plus concurrentiel et exigeant du monde. Qui plus est, quand le dit marché se révèle en crise, avec des ventes en chute de 8,6% l'an dernier et qui devraient reculer de 3 à 5% encore cette année, selon les plus... optimistes.

Ford a ainsi affiché une perte avant impôts de 1,75 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros) en 2012 sur le Vieux continent. "Nous comptons redevenir profitables en 2015", mais pas avant, nous expliquait dernièrement Stephen Odell, PDG de Ford Europe, dans le cadre du salon de Genève. "En 2007, on utilisait nos capacités en Europe à plus de 90%. Aujourd'hui, le taux d'utilisation a sensiblement baissé. Mais, avec la fermeture envisagée des sites d'assemblage de Genk, Southampton et Dagenham, nous réduirons nos capacités de 18% ", soulignait le dirigeant.

Honda à la peine, comme Fiat ou GM

"Les capacités dans notre usine britannique ne sont pas remplies. Nous prévoyons de sortir du rouge dans trois ans", nous précisait pour sa part Manabu Nishimae, PDG de Honda Europe qui perd régulièrement de l'argent sur le Vieux continent. Lorsque nous l'avions rencontré il y a un an, le patron japonais évoquait déjà... un délai de trois ans pour atteindre l'équilibre financier ! C'est avouer implicitement que le projet de redressement a pris un an de retard. Fiat est également lourdement déficitaire en Europe, avec une perte opérationnelle de 738 millions d'euros en 2012. General Motors, allié de PSA, y a été plombé pour sa part, l'an dernier, par un déficit d'exploitation de 1,8 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros), après 747 millions en 2011. Le consortium de Detroit perd structurellement de l'argent dans ses activités européennes, représentées essentiellement par sa filiale allemande Opel, depuis plus de dix ans sans discontinuer. Il vise maintenant l'équilibre d'ici à 2015. Décidément, 2015 apparaît comme une date fétiche pour beaucoup !

Marchés encore déficitaires pour Toyota et PSA

Toyota, lui, est enfin sorti du rouge sur l'exercice fiscal 2012-2013 (clos fin mars prochain) en Europe (activités automobiles) pour la première fois depuis 2007, après avoir notamment fermé une des lignes d'assemblage de son site britannique. Malgré le travail en profondeur accompli par Didier Leroy, PDG de Toyota Europe, celui-ci nous avouait toutefois à Genève "avoir encore des pays où nous ne sommes pas rentables". Jean-Philippe Imparato, Directeur des ventes Europe de PSA, reconnaissait également que la firme tricolore restait déficitaire dans certains pays du Vieux continent.

L'Europe, une variété de pays aux habitudes et normes différentes

Au-delà de la conjoncture actuelle, le marché européen est celui sur lequel les constructeurs, en moyenne, réalisent les plus faibles marges. C'est pour une large part un marché de petits véhicules, intrinsèquement peu rentables, extrêmement ouvert aux rivaux du monde entier - contrairement à la Corée ou au Japon plutôt fermés aux constructeurs étrangers -, fragmenté en outre en une multitude de pays qui n'ont pas les mêmes habitudes d'achats ni une fiscalité comparable.

Le système de bonus-malus français, fondé sur les rejets de C02 au kilomètre, n'est ainsi pas comparable avec les systèmes de taxation « écologique » ailleurs en Europe. Il est rédhibitoire pour les voitures moyennes ou grosses... ce qui n'est absolument pas le cas en Allemagne, par exemple. Du coup, les constructeurs pâtissent d'un coût supplémentaire lié à la diversité des versions, selon les pays européens. Enfin, la France et l'Allemagne sont les pays où les coûts salariaux sont les plus élevés parmi les producteurs d'automobiles.

Les Etats-Unis, un marché bien plus rentable

Du coup, les constructeurs généralistes européens affichent traditionnellement et structurellement des résultats opérationnels bien inférieurs à ceux des japonais ou américains. Au grand dam d'un groupe aussi européocentré que PSA Peugeot Citroën. Le groupe Volkswagen, certes très bénéficiaire, tire une forte proportion de ses revenus de sa marque haut de gamme Audi et de ses ventes extra-européennes.

Quant aux constructeurs « premium » allemands, leurs marges unitaires sont généralement bien supérieures en Russie, en Chine ou aux Etats-Unis (hors effets de change) par rapport à l'Europe de l'ouest. Ces trois pays privilégient notamment les modèles de forte cylindrée, vendus plus chers. « Il est plus facile de gagner de l'argent en Amérique du nord qu'en Europe. Le marché aux Etats-Unis est beaucoup plus rémunérateur. Les Américains sont moins exigeants sur la qualité perçue. Et ils préfèrent des voitures plus simples, moins sophistiquées à réaliser », nous expliquait Pierre Loing, vice-président du plan produit de Nissan of Americas, au dernier salon de Detroit en janvier.