"2017 sera déterminant pour l'avenir du diesel en Europe", Hadi Zablit (BCG)

Par Propos recueillis par Nabil Bourassi  |   |  1009  mots
Le marché a été tiré par la dynamique des marchés italiens, espagnols et français, mais également par le fait que le Royaume-Uni a mieux tenu le coup que prévu.
Hadi Zablit, directeur associé au Boston Consulting Group, fait un bilan positif du marché automobile européen en 2016. Il estime que de nombreuses incertitudes pèsent néanmoins sur la poursuite de la dynamique en 2017. Cette année pourrait être, selon lui, une année structurante pour l'avenir du diesel en Europe.

LA TRIBUNE - Quel bilan tirez vous de l'année 2016 du marché automobile européen ?

HADI ZABLIT - La dynamique du marché a encore été soutenue par une conjoncture particulièrement favorable. Les grands indicateurs macroéconomiques ont été meilleurs que prévus, et les taux d'intérêts étaient très faibles. Il y a aussi le fait que les entreprises ont des bilans plus positifs, ce qui leur a permis de maintenir des politiques de flottes assez offensives. Certains marchés ont également été plus dynamiques que d'autres, c'était le cas de l'Italie et l'Espagne avec des hausses de 16% et de 11%, mais également de la France et de l'Allemagne avec 6% et 5%. Le Royaume-Uni n'a pas reculé, comme on a pu le craindre, soutenu par les flottes.

Est-ce que toutes les marques ont pu profiter de cette dynamique, ou constate-t-on des disparités ?

La dynamique des flottes société est favorable aux marques premiums, l'année 2016 n'a pas échappé à cette règle. Ces marques ont d'ailleurs profité des taux d'intérêts faibles leur permettant de concevoir des offres de financement particulièrement compétitives. D'autres marques ont, elles, bénéficié de leur offensive produit cumulée avec leur performance commerciale. C'est particulièrement le cas de Renault qui est devenu le deuxième groupe automobile en Europe.

Vous attendez-vous à une poursuite à cette dynamique en 2017 ?

La dynamique restera positive en 2017 mais son intensité dépendra notamment des incertitudes macro-économiques et politiques. La macroéconomie sera notamment dépendante des décisions de politiques monétaires. Parmi les autres inconnues qui impacteront la conjoncture macroéconomique pour l'année 2017, il y a toujours l'inconnue Brexit, mais également l'arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, les élections présidentielles en France, et législatives en Allemagne, et bien sûr, le cours du pétrole. Le rythme de croissance du marché automobile pourrait également s'essouffler avec la fin de l'effet de rattrapage qui a jusqu'ici bien soutenu le marché depuis la crise.

Si les taux d'intérêts remontent, pensez-vous que cela peut gripper le marché ?

Les constructeurs automobiles ont pas mal assainis leur assiette de coûts et leur capacité de production et la situation est plutôt saine. Cela va leur permettre de rester dynamiques sur les offres commerciales et de financement. Ils pourraient compenser la hausse des taux pour soutenir le marché, même s'ils risquent d'impacter leur taux de marge.

Les constructeurs seraient prêts à sacrifier leurs marges pour continuer à faire du volume ?

Ils ont une bonne marge de manœuvre et misent sur l'innovation et l'offre produit. Ils ont accéléré leur cycle d'innovation, et facturent davantage avec des équipements innovants comme la connectivité, les assistants à la conduite ainsi que des offres produits attractives tels que les SUVs. Ils le font d'autant plus facilement que les offres de financement permettent de diluer le surcoût de ces équipements dans le temps. D'ailleurs, on le voit, le prix de vente moyen d'une voiture a augmenté en 2016, et c'est en grande partie grâce à cette mensualisation de l'achat.

Cela fait plusieurs années que le marché est tiré par les flottes d'entreprises, cela va continuer d'après vous ?

Le particulier ne reviendra pas. Pas tout de suite en tout cas. Les statistiques montrent que l'âge moyen d'achat d'une voiture particulière ne cesse d'augmenter. D'un coté, les jeunes sont de moins en moins attirés par la voiture. De l'autre, les acheteurs particuliers se rabattent sur le marché de la voiture d'occasion qui est lui-même nourri par les flottes. La voiture d'occasion a gagné en réputation grâce à des voitures réputées plus fiables. Enfin, les politiques publiques ne cessent de faire la promotion des transports en commun ou des mobilités alternatives. La tendance est là : sur les trois plus importants marchés européens, Allemagne, France, Royaume-Uni, ce sont effectivement les flottes qui ont fait l'essentiel du marché. Cette tendance est structurante. Si bien, que les marques devront s'interroger sur les canaux de distribution. Le concessionnaire traditionnel n'est pas le meilleur moyen de s'adresser à des gérants de parcs. Autre point à noter, les constructeurs vont de plus en plus s'intéresser aux produits destinés aux flottes. Le segment A risque ainsi d'être négligé au profit des segments supérieurs.

L'année 2017 pourrait être particulièrement structurante d'après vous ?

L'année 2017 sera l'année du diesel et de l'électrique, c'est-à-dire qu'elle sera déterminante. Si la baisse du diesel se poursuit au même rythme que ces deux dernières années, cela aura de fortes répercussions sur les capacités industrielles des constructeurs et leur plans futurs. On ne sait pas à quel point le rééquilibrage de la production sera facile à calibrer et à anticiper. Ce qui est en jeu ce sont des logiques d'approvisionnements de stocks en pièces différentes entre les moteurs diesels et essence. Si un constructeur rate son anticipation, il risque de se retrouver avec des stocks invendus de l'un, et une rupture d'approvisionnement de l'autre, grippant toute la chaîne de production. Cela pourrait coûter très cher aux constructeurs automobiles. Pour l'électrique, nous nous attendons à ce que les offres à 300 à 400km en autonomie aident à accélérer le marché.

Vous pensez que le diesel vit ses dernières heures en Europe ?

Jusqu'à présent, le diesel a bénéficié partiellement d'achats irrationnels avec des offres largement subventionnées, notamment par des dispositifs publics directs et indirects. Or, les gouvernements ont décidé de réduire ces subventions et de réglementer davantage la dépollution. A moyen terme, le coût de la dépollution va devenir trop élevé. Il faut s'attendre à ce que le diesel sorte du segment B comme il est sorti du segment A. Il sera encore rentable pour des modèles destinés à de gros rouleurs, ou des modèles réputés lourds comme les SUV. Ce phénomène pourrait bien commencer en 2017...