Automobile : le retrofit, un lifting économique pour les vieux véhicules ?

Par Nabil Bourassi  |   |  1117  mots
Cette Porsche 912 de 1968 a été rétrofité et roule désormais en 100% électrique (Crédit Retrofutur). (Crédits : Retrofutur)
Le gouvernement a promulgué la loi qui autorise l'homologation des voitures thermiques converties à la propulsion électrique (le retrofit). Cette disposition légale permet de donner un statut juridique à ce processus vertueux d'un point de vue environnementale mais également économique pour les artisans et collectivités locales qui disposent d'importantes flottes d'utilitaires ou poids lourds. Mais le calcul doit encore être affiné pour être compétitif...

Voilà une bonne nouvelle pour les collectionneurs de voitures anciennes, ou ceux qui sont tout simplement attachés à leur voiture... Désormais, le processus dit de "rétrofit" qui consiste dans l'automobile à remplacer le moteur thermique d'une voiture de plus de cinq ans par une propulsion 100% électrique va pouvoir être homologué par les pouvoirs publics. Et cela change tout puisque, de fait, la voiture transformée change totalement de statut juridique et pour la première fois, acquiert un modèle économique.

Moins de coûts d'usage, et surtout... Moins de taxes...

D'abord, un véhicule "converti" se déleste de toutes les contraintes coûteuses de maintenance, à plus forte raison si le véhicule a plus de cinq ans. A cela, il faut retirer le coût du carburant. Le coût d'usage devient alors nettement intéressant et justifie de prolonger la vie d'un véhicule. En outre, le véhicule est exempté de la fameuse TVS, ou taxe sur les véhicules de société, soit une substantielle économie pour les flottes d'entreprise.

Ces avantages sont à mettre au regard du coût de conversion. C'est là que règne encore le grand flou. Car pour l'heure, le marché de la conversion s'organise et les homologations sont en cours. Il y a onze sociétés qui ont entrepris des démarches pour homologuer des kits de conversion, lesquels seront installés par des garagistes agréées par ces sociétés. C'est l'UTAC qui est en charge des homologations, mais cet organisme est déjà en charge des nouveaux modèles des constructeurs, et il pourrait y avoir un goulot d'étranglement avant que les homologations n'arrivent sur le marché. D'autant plus que chaque kit de conversion est spécifique à chaque modèle de véhicule en circulation.

Tous les véhicules ne sont pas éligibles...

Pour Jérémy Cantin, président de la branche maintenance vente chargé de l'électromobilité à la FNA (fédération nationale des entrepreneurs et artisans de l'automobile et la mobilité), le marché du rétrofit sera très progressif et concernera d'abord les modèles les plus courant.

"Il faut amortir les frais d'homologations qui s'élèvent autour de 30.000 euros, ce qui alourdit le coût unitaire s'il n'y a pas, derrière, une masse de véhicules à homologuer".

Pour celui qui a fait parti des débats avec le gouvernement pour l'adoption du texte promulgué vendredi 3 avril, les poids lourds constitueront le premier marché, suivi des utilitaires, car les kits sont plus faciles à standardiser sur ce segment.

"La voiture particulière viendra dans un second temps, car ce sera quasiment du sur-mesure", nous indique-t-il. "Il faudra attendre que les prix baissent", ajoute le fondateur d'e-Néo qui fait parti des sociétés qui ont postulé pour homologuer ses kits.

Pour Arnaud Pigounides, co-président de l'AIRe (association des acteurs de l'industrie du rétrofit électrique) qui a également participé à la construction du texte de loi, il y a un marché évident pour les poids lourds.

"Un bus neuf 100% électrique cela coûte 450.000 euros, alors qu'avec le rétrofit, vous basculez dans l'électrification pour seulement 180.000 euros en gardant le bus déjà en circulation", explique-t-il.

Même raisonnement pour les petites PME qui disposent de flottes de véhicules qui peuvent ainsi prolonger la vie de cette flotte sans avoir à renouveler entièrement leur parc.

Baisse des prix en vue ?

Pour une collectivité locale, les gains sont alors autant économiques qu'environnementaux puisque le véhicule converti n'émet plus de gaz polluants.

"Cela donne 4 à 5 ans de longévité supplémentaire à un véhicule", assure Arnaud Pigounides.

Le patron de Retrofutur attend également une baisse des prix pour développer le marché particulier: "aujourd'hui, il faut compter entre 12 et 17.000 euros pour convertir une ancienne Fiat 500, il est très probable que cette fourchette descende sous les 10.000 euros d'ici trois ans".

Mais le rétrofit ne pourra pas répondre à tous les usages, ni même à ceux des voitures électriques de dernière génération. Ainsi pour les voitures particulières, l'autonomie dépassera rarement les 150 km. Même si cela correspond à la plupart des usages, cette autonomie restera inférieure de moitié à ce qui est désormais disponible sur le marché du neuf.

Sur les utilitaires, l'écart pourrait être moindre, voire même inférieur. Pour Jérémy Cantin, un Renault Master converti pourra disposer d'une autonomie de 100 voire 200 km en fonction de la demande du client: "il est important de maintenir la charge utile des clients". On est alors très proche de l'autonomie proposée par le Master Z.E. neuf que Renault commercialise et qui ne propose que 120 km d'autonomie. En outre, les entreprises travaillent sur un kit qui permettrait de convertir un véhicule à la propulsion à hydrogène.

Opportunité pour les artisans

Le rétrofit bon pour l'environnement et bon pour les automobilistes... Oui, mais une autre profession pourrait profiter de cette opportunité: les garagistes. Avec l'avènement de la voiture électrique, ce sont des pans entiers d'une voiture qui ne sera pas soumise à de l'entretien. Les garagistes pourraient ainsi payer cash l'accélération de la transition énergétique. Avec le rétrofit, ils trouvent un nouveau relais d'activité.

D'après deux hypothèses construits par l'AIRe, sur la période 2020 à 2025, 65.000 voitures pourraient être converties, soit 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et 5.000 emplois directs et indirects créées et/ou conservés. Sur une hypothèse de transformation de 1% du parc automobile français, ce serait 400.000 voitures converties, 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 65.000 emplois qui vivraient de cette activité.

Pour le gouvernement, le rétrofit répond à des enjeux environnementaux et économiques. Mais pour la FNA, il reste à pérenniser les dispositifs publics promis par le gouvernement. Ainsi, l'exemption de TVS doit s'inscrire dans la durée. De même, la FNA demande à ce que les pouvoirs publics réfléchissent à élargir la prime à la conversion au rétrofit afin d'encourager les particuliers à transformer leurs voitures. "Les discussions continuent", assure Jérémy Cantin.

La fin du vroom vroom

Mais alors quid du "vroom vroom" des voitures d'antan véritable, ce ronronnement chers aux propriétaires de Porsche ou de Mustang. Pour Arnaud Pigounides, "le rétrofit permet aux automobilistes de conserver leur différence en continuant à rouler dans une voiture qui n'est plus tellement en circulation, sans dépenser des fortunes en carburant, ou en tombant souvent en panne, et le tout en se raccordant au nouveau rapport à la planète de plus en plus prégnant dans notre société". Et si la réconciliation de l'automobile et de l'environnement venait du rétrofit ?