Renault fait sa révolution pour devenir champion de l'automobile de 2030

Le groupe automobile français achève les deux premières phases de son plan de redressement stratégique avec plusieurs années d'avance sur son calendrier. Luca de Meo, son directeur général, a souhaité accélérer en divulguant les grandes lignes de la réorganisation qui doit permettre à Renault d'être positionné sur les nouvelles chaînes de valeur de demain...
Nabil Bourassi
(Crédits : STEPHANE MAHE)

« On ne peut pas dépasser quinze voitures quand il fait beau, mais on peut dépasser quinze voitures quand il pleut », a déclaré ce mardi le directeur général de Renault, Luca de Meo, en reprenant une phrase d'Ayrton Senna, le célèbre pilote automobile brésilien mort en 1994 au Grand Prix de Saint Marin. Cette seule citation illustre comment l'ancien malade de l'industrie automobile, sauvé par l'Etat français pendant la crise sanitaire, entend s'imposer comme un leader de l'innovation à un moment où le secteur est contraint de mener une transition énergétique à marche forcée et qu'il est fragilisé, non seulement par une crise industrielle liée à la pénurie de semi-conducteurs, mais aussi par la flambée des coûts de l'énergie et le risque d'un recul de la demande en raison de l'inflation et de la dégradation de l'économie.

« Nous voulons être parmi les meilleurs du marché », explique en substance, celui qui a repris les rênes de Renault en juillet 2020... Mais les défis sont légion et surtout onéreux. Il fallait donc bien une journée investisseur pour éclairer les marchés sur les projets que Renault veut porter pour les dix prochaines années, mais surtout sur la façon dont il souhaite les financer.

Les nouvelles chaînes de valeur

Dès 2021, dans le plan stratégique Renaulution, Luca de Meo avait décrit trois phases qui devaient conduire à la date de 2030 : résurrection, rénovation puis révolution. La première phase est achevée depuis 2021. Le plan de restructuration est achevé et le groupe est revenu dans le vert. La seconde phase consistait à refonder une nouvelle gamme... Celle-ci est désormais en place, et les nouveaux produits sont en cours de développement. Pour Luca de Meo, il était temps de passer la troisième en lançant sa révolution. Celle-ci doit permettre au groupe de se préparer au nouveau monde de l'automobile qui doit survenir aux alentours de 2030 et qui doit redéfinir les termes de la chaîne de valeur. Il s'agit pour Renault de préempter les innovations qui pourraient ou devraient être les premiers contributeurs de profits. Luca de Meo a identifié quatre nouvelles chaînes de valeur : la voiture électrique, le logiciel, la mobilité et l'économie circulaire.

« Cela va nous permettre d'entrer sur un marché de 200 milliards d'euros, soit le double de notre périmètre actuel. C'est un potentiel de croissance jamais vu depuis l'émergence de la Chine dans l'industrie automobile », a-t-il souligné.

Pour se positionner sans y laisser des plumes en termes de cash et d'endettement, Luca de Meo veut constituer des coentreprises avec des acteurs pertinents qui apportent des compétences qui seraient trop longs et trop coûteux à recréer en interne. Sur le logiciel, il a créé la Software Republique avec Dassault Systemes, Orange, Atos et ST Microelectronics. Il a également annoncé de nouveaux partenariats avec Google. Mais la surprise du jour, c'est l'arrivée du fabricant américain de puces électroniques, Qualcomm, dans le capital d'Ampere, la filiale qui sera dédiée à l'électrification. Renault n'a pas chiffré le montant de l'investissement, mais la présence d'un tel actionnaire constitue un atout majeur. Luca de Meo a refusé de prononcer le mot de Nissan, dont toute la communauté financière attend pourtant des engagements pour entrer lui aussi dans le capital d'Ampere. Des annonces devraient survenir à la fin du mois dans le cadre d'un rééquilibrage plus large de l'Alliance.

Les moteurs thermiques continueront à rapporter

Luca de Meo a par ailleurs décidé de créer une filiale spécialisée sur les groupes motopropulseurs thermiques. Baptisé Horse, elle accueillera le puissant groupe Chinois Geely dans son capital, à hauteur de 50%. Ainsi, cette nouvelle entité fournira autant Renault, que les marques de Geely dont Volvo, une filiale du groupe chinois. Renault annonce déjà huit clients pour ces produits qui iront du moteur à la boite de vitesse en passant par des systèmes d'hybridation. Le chiffre d'affaires visé est de 15 milliards d'euros par an. La constitution de Horse doit permettre à Renault d'élargir sa couverture de marché en la faisant passer de 40 à 80%.

Sur l'économie circulaire, Renault travaille également à rechercher des partenaires pour financer les 500 millions d'euros qui seront nécessaires d'ici à 2030.

Ainsi, Luca de Meo réorganise le groupe de manière à être présent sur l'ensemble des nouvelles chaînes de valeur de l'automobile de demain. En limitant les investissements, il limite également sa maîtrise de la valeur ajoutée de ces nouveaux relais de profits. Mais en réalité, Renault garde la haute main sur son activité historique : la vente de voitures. Avec Power, le nom de Renault canal historique, le groupe automobile reste concentré à 100% sur le métier de conception et de ventes de voiture. Il s'agit simplement d'aller chercher du profit grâce à une stratégie produit renforcée et une politique de prix ambitieuse. L'offensive sur le segment C (les compacts) doit être un levier important de profitabilité. Renault espère que ce segment représentera 50% des ventes en volume en 2025. Un atout majeur puisqu'une compacte apporte deux fois plus de profits que la catégorie en dessous.

Dacia, le joyaux de la couronne

Avec Dacia, Renault veut également consolider et amplifier cette source de profit en ouvrant la gamme sur une couverture de marché plus large. La marque dite à bas coût a déjà dégagé 10% de marge opérationnelle, soit le double de la performance du groupe au premier semestre, et devrait monter à 15% en 2030... Une chiffre monumental sur le marché puisque hors marque de luxe, peu de groupe ne détient une marge opérationnelle à deux chiffres dans l'automobile.

Luca de Meo entretient encore le suspense avec Alpine dont on attend encore le prochain modèle. La marque sportive premium veut lancer jusqu'à six modèles dans les prochaines années avec l'ambition d'être très offensif à l'international. Alpine pourrait s'aventurer sur les segments D et E pour répondre aux attentes du marché chinois.

Le véhicule utilitaire se transforme aussi

Autre surprise, la création d'une nouvelle filiale autour des véhicules utilitaires. Cette branche est historiquement un gros pourvoyeur de profits pour Renault avec environ 20% des bénéfices. Luca de Meo veut aller plus loin et veut également filialiser cette activité. Flexis cherche un autre partenaire pour répondre à deux problématiques futures majeures : l'arrivée de nouveaux concurrents et la problématique du dernier kilomètre, véritable enjeu de logistique urbaine. Luca de Meo estime que l'hydrogène est une réponse pertinente à ces enjeux. Le groupe travaille sur un concept FlexEvan qui se veut « aussi long qu'un Kangoo, la capacité d'un Trafic et le rayon de braquage d'une Clio ». « Nous allons réduire de 30% le coût total d'usage sur l'ensemble du cycle de vie, ce qui permettra de rembourser le prix neuf du véhicule », a lancé Luca de Meo, selon qui ce coût s'élève à 100.000 euros au total.

Pour Luca de Meo, la conjoncture n'est pas qu'une accumulation de problèmes, c'est un fantastique gisement d'opportunités qu'il veut saisir de façon maligne. Un temps idéal pour dépasser quinze véhicules comme disait Ayrton Senna...

Nabil Bourassi

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Commentaires 6
à écrit le 09/11/2022 à 1:51
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Belle resilience. Forza

à écrit le 08/11/2022 à 19:39
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Vous dites de manière ironique (en vous trompant) que la marque Dacia bien que qualifiée de marque à bas cout dégage le double de marge des autres marques du groupe. Il ne s'agit évidemment pas de cout bas d'acquisition pour les con-sommateurs mais ...

le 09/11/2022 à 8:50
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Votre commentaire est impressionnant.Mais nous sommes le pays des droits de l’homme,on ne peut pas être bon sur tous les plans.

à écrit le 08/11/2022 à 18:48
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Bonjour, Bien sûr, Renault espère nous vendre des voitures électriques a 30000 euros ...MDR , personnellement rien ne justifie un telle prix ... Donc je roulerai chinois ou indien , mais pas question d'être otage de se type d'entreprise...

à écrit le 08/11/2022 à 18:45
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2030, espérons que la plupart d'entre nous pourrons encore acheter une voiture ? Si la Chine n'arrive pas avec des voitures à 10 000 euros.

le 08/11/2022 à 19:56
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"la plupart d'entre nous ... " ne conduiront plus en raison de leur âge !!!

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