Automobile : pourquoi les marques françaises pataugent en Chine

Par Nabil Bourassi  |   |  1027  mots
Alors que le salon automobile s'ouvre à Pékin, les marques chinoises montrent toute leur puissance. (Crédits : Reuters)
Alors que PSA peine à sortir la tête de l'eau, les ventes de Renault ont déjà atteint un plateau... Les marques françaises ont perdu des parts de marché significatives, mais ne s'avouent pourtant pas vaincu. Elles continuent de creuser leur sillon, espérant tirer profit de leur action à long terme.

C'est un pays en guerre ! Du moins, dans le secteur automobile ! Depuis trois ans, les marques chinoises ont lancé une implacable offensive commerciale raflant tout sur leur passage. En quelques années à peine, elles sont passées de 30 à 45% de part de marché sur leur marché domestique. Pis ! Elles se sont emparées de quasiment les deux tiers du marché des SUV, soit le marché le plus dynamique (+14%) qui culmine désormais à quasiment 40% du marché total.

Le bond de qualité a bluffé les marques étrangères

Les marques étrangères n'ont pas vu arriver ce retournement de tendance, et se sont laissées totalement submergées. Les marques locales ont déferlé avec une vague incroyable de nouveaux produits à des prix défiants toutes concurrences étrangères, entre 20 et 30% moins chers. Dernière lame du coup de rasoir, la qualité des voitures chinoises ont bluffé leurs concurrents en réalisant un bond significatif en peu de temps.

Pour Guillaume Crunelle, associé et spécialiste de l'industrie automobile chez Deloitte, le marché chinois est "un marché atypique même si ce marché reste fondamentalement un formidable réservoir de croissance".

"Lorsque le marché croit de 3% comme en 2017, certes nous sommes loin des croissance à deux chiffres, mais c'est tout de même l'équivalent du marché français en plus tous les deux ans".

"C'est pour toutes ces raisons que ce marché est devenu un passage obligé, mais il est également devenu l'un des plus concurrentiel au monde..."

Avec trois marques, PSA a vendu moins de voitures que Skoda

Pour les marques étrangères, c'est pourtant la débâcle... Elles ne cessent de perdre du terrain. Certaines sont obligées de casser leurs prix et leurs marges pour maintenir leurs volumes et leurs parts de marché. D'autres voient leurs ventes chuter. C'est le cas du groupe PSA qui a affiché des ventes en très forte baisse en 2017 (-38%). Avec 383.000 voitures vendues, le groupe automobile français a fait moins bien que Skoda malgré ses trois marques ! Sa part de marché a été divisée par plus de deux à 1,7%.

Cela fait plusieurs années que le groupe emmené par Carlos Tavares se débat sur le premier marché automobile du monde. Devant les actionnaires réunis au siège à Rueil Malmaison, Carlos Tavares a reconnu que la situation en Chine était « délicate », mais qu'il entre-apercevait néanmoins de premiers signes de redressement, notamment au seconde semestre 2017.

Sur le premier trimestre 2018 pourtant, les résultats sont plus que mitigés. La marque Peugeot a encore accusé une baisse de 16% de ses ventes après avoir enregistré une chute de 38% un an auparavant. La marque au lion est pourtant bien armée en SUV avec pas moins de 4 modèles, soit davantage qu'en Europe ! Le 3008 (qui est l'ancien 3008 restylé) s'écroule de 63%, le 4008 (le 3008 nouvelle génération qui bat des records de ventes en Europe) recule de 13%.

L'arrivée du 5008 permet de compenser la baisse puisqu'elle ajoute 5.102 voitures. Le 2008 baisse de 51%, mais le produit est en fin de vie. Rencontré au salon de Genève début mars, Jean-Philippe Imparato, patron de la marque Peugeot, affichait son optimisme nous assurant que la marque poursuivait sa politique d'assainissement de son réseau. Carlos Tavares a assuré que le groupe avait divisé par deux ses stocks de voitures dans le réseau. La marque au lion attend l'arrivée du nouveau 2008 pour animer son réseau, mais celui-ci n'arrivera pas avant 2019...

Citroën sauve les meubles avec le C5 Aircross

Chez Citroën, on respire un peu grâce au C5 Aircross... Ce SUV arrivé fin 2017 a permis de redresser la barre avec des ventes en hausse de 41% au premier trimestre. Mais la marque aux chevrons part de plus bas que Peugeot en Chine avec des ventes qui avaient flanché de 64% début 2017! La marque veut croire que sa dynamique va s'amplifier cette année avec l'année pleine de la C5 Aircross, mais également avec l'arrivée de la C4 Aircross (le C3 Aircross disponible en Europe dont l'empattement a été rallongé de 12cm).

Chez Renault, il semblerait que la marque ait atteint son rythme de croisière deux ans après son arrivée sur le marché. La marque au losange a vendu quasi-autant de voitures sur les trois premiers mois de l'année (17.816) qu'il y a un an (17.517). On note néanmoins une baisse assez marquée du Kadjar qui avec 5.997 ventes recule de 12%.

Le très exigent consommateur chinois

Les marques étrangères persistent à adapter, à la marge, leurs voitures domestiques aux exigences locales en allongeant l'empattement par exemple. Il semblerait que cela ne soit plus suffisant. "Ce marché est devenu exigeant, chaque nouveau modèle doit désormais être conçu et pensé pour le consommateur chinois", souligne Guillaume Crunelle. "Les constructeurs étrangers doivent continuer à investir sur leur différenciation, l'innovation et leur image de marque".

Pour Li Yanwei, analyste du comité d'expertise de la fédération des concessionnaires chinois cité par l'AFP, "La demande des consommateurs chinois change vite et les constructeurs étrangers doivent constamment adapter leurs produits. Les modèles de Citroën et Peugeot étaient dépassés" .

Les vraies généralistes, ce sont les marques chinoises

La problématique n'est pas seulement d'ordre tarifaire. Les marques généralistes étrangères sont confrontées à une grille de lecture différente du consommateur chinois qui n'a pas la même grille de lecture qu'en Occident. Pour eux, le segment généraliste se situe clairement sur les marques locales. Il n'y a pas de places entre ces dernières et les marques premium...

"Nous ne casserons pas nos prix pour faire du volume, nous voulons protéger notre marque", répond-on en substance chez Peugeot qui espère récolter les fruits de cette stratégie à long terme.

De son côté, le nouveau patron de la région, Carlos Gomes, s'est dit "confiant" auprès de l'AFP, pour un "inversement de tendance important". Il s'est toutefois voulu prudent en assurant que "bien évidemment", les ventes n'allaient pas "exploser tout à coup". A l'inverse de la chute qui avait été très soudaine...