Bientôt, la révolution des batteries solides

Par Nabil Bourassi  |   |  717  mots
Chez Fisker, le Tesla néerlandais, on prétend que la Emotion pourra assurer 800 km d'autonomie pour un temps de charge... d'une minute ! (Crédits : Fisker)
Les constructeurs automobiles se sont lancés tous azimuts sur les voitures électriques, mais l'autonomie et le temps de charge restent les principaux freins. Une nouvelle technologie, celle de la batterie solide, est sur le point d'émerger et pourrait rendre la voiture électrique plus compétitive que n'importe quelle autre motorisation. Certaines marques ont déjà programmé sa commercialisation.

Et si la voiture électrique n'en était qu'à sa préhistoire ? Jusqu'ici, il faut bien le rappeler, cette technologie souffrait de tous les maux : autonomie réduite, temps de charge trop long, infrastructure insuffisante, coût prohibitif, risque d'explosion... Les efforts de ces dernières années ont permis d'atténuer quelques inconvénients, mais il n'en reste pas moins que ces contraintes persistantes ne permettront pas à la voiture électrique de s'imposer face aux technologies thermiques.

Mais une nouvelle révolution pourrait changer la donne : les industriels travaillent sur une autre technologie appelée la batterie à électrolyte solide. Il s'agit de remplacer le solvant qui assurait l'électrolyte [substance conductrice de l'électricité, ndlr] par une plaque de verre. Cette technique permet de réduire le risque d'explosion de la batterie... Un risque avéré et qui a, à plusieurs reprises, fait la une des journaux : le Samsung Galaxy Note 7, désormais interdit dans tous les avions, le 787 Dreamliner et même la Tesla Model S...

Une densité énergétique multipliée par 5

En outre, cette batterie solide promet des performances hors du commun pour une technologie électrique. On parle d'une autonomie de plus de 600 km, soit autant qu'un plein de carburant. Mieux encore, le temps de recharge pourrait être réduit à quelques minutes seulement. L'efficacité de ces batteries tient à la densité énergétique qui passerait de 150 Wh/kg [wattheure par kilogramme, ndlr] pour une batterie lithium-ion classique, à près de 800 Wh/kg, voire même 1000 Wh/kg.

Pour Jean-Patrick Teyssaire, président d'Electric-Road, un forum sur la voiture électrique, « la batterie solide est la technologie la plus prometteuse de ces prochaines années. Nous sommes en fin de cycle de recherche fondamentale, la batterie solide arrivera sur le marché dans trois ans », s'enthousiasme-t-il. Chez Fisker, on prétend que la Emotion pourra assurer 800 km d'autonomie pour un temps de charge... d'une minute ! De son côté, Toyota promet un premier modèle fondé sur cette technologie à l'horizon 2025.

Il faut ajouter une durée de vie significativement rallongée et une plage de température nettement plus large : les températures entre lesquelles la batterie fonctionne de façon optimale passeraient d'une plage de 15 à 35 °C à une plage de - 20 à 100 °C.

Avantage aux industriels japonais

Chez les industriels, c'est le branle-bas de combat pour ne pas rater la marche. Les Asiatiques sont évidemment sur les dents et Panasonic aurait déjà acquis de solides positions sur la maîtrise de cette technologie. C'est d'ailleurs lui qui fournira Toyota pour le modèle prévu en 2025. Pour consolider leur leadership, les japonais ont annoncé en mai une grande alliance pour s'imposer sur cette technologie. Toyota, Nissan et Honda s'associent à Panasonic, GS Yuasa (deux fabricants de batteries) et au gouvernement japonais pour renforcer le laboratoire de recherche Libtec, qui travaille sur cette technologie et vise une autonomie de 525 km en 2025 et de 800 km en 2030.

En Europe, Saft, filiale de Total, a fondé une alliance afin de parer à une offensive hégémonique venue d'Asie. L'entreprise s'est entendue avec Manz, Solvay et Siemens pour accélérer la recherche sur la batterie solide et être en capacité de proposer une solution viable.

« Ce programme a pour ambition de créer la batterie du futur et, dès que le développement de la technologie "tout solide" aura abouti, l'industrialisation de blocs évolutifs d'une capacité de 1 GWh sera lancée », explique Ghislain Lescuyer, le directeur général de Saft, dans un communiqué. Cette alliance se donne toutefois sept ans pour faire aboutir leur projet.

Les poids-lourds moins concernés

La batterie solide, si elle tient ses promesses, pourrait révolutionner le monde de l'automobile, puisqu'elle serait aussi compétitive en coûts et en performances que les solutions thermiques. Elle pourrait également neutraliser la technologie de l'hydrogène, au moins sur les petits véhicules. « Sur un camion de 40 tonnes, il n'est pas pertinent de transporter 8 tonnes de batteries électriques, l'hydrogène sera probablement préférable », nuance toutefois Jean-Patrick Teyssaire.

Ce qui est certain, c'est que la batterie solide intéressera d'autres secteurs que l'automobile, comme l'électronique grand public (ordinateur et téléphone portables...). Ce pourrait être un avantage décisif pour l'Asie, qui pourrait s'appuyer sur ce secteur qu'elle contrôle en grande partie pour amortir sa recherche...