"Ford ne quittera pas l'Europe, au contraire, il veut s'y renforcer", Louis-Carl Vignon

Par Nabil Bourassi  |   |  811  mots
Louis-Carl Vignon (Crédits : Ford)
Alors que le constructeur automobile américain vient de publier des résultats annuels en recul au niveau mondial, sa filiale européenne a présenté sa nouvelle stratégie. Loin des rumeurs de retrait du Vieux Continent, Ford veut, au contraire, relancer sa marque à travers une nouvelle communication mais également une large réorganisation opérationnelle et industrielle. Louis-Carl Vignon, président de Ford France, explique à "La Tribune" les enjeux de cette nouvelle stratégie.

LA TRIBUNE - Il y a un an, les marchés spéculaient sur le retrait de Ford de l'Europe. Aujourd'hui, vous annoncez un nouveau plan stratégique pour relancer la marque sur le Vieux Continent. C'était un virage nécessaire ?

LOUIS-CARL VIGNON - Ford n'a jamais communiqué sur un éventuel retrait de l'Europe. Les spéculations de presse ont reposé sur une série d'interprétations comme l'annonce de l'arrêt de la Fusion aux États-Unis, qui, par voie de conséquence, arrêtait la Mondeo et le S-Max en Europe. Les mauvais résultats en Europe en 2016 ont également nourri cette rumeur, alors que les exercices 2018 et 2017 avaient été profitables. En réalité, Ford est présent en Europe et il veut réaffirmer sa présence à travers un nouveau plan stratégique.

Quels sont les grands axes de cette stratégie ?

Ford Europe veut refonder ses bases pour une croissance profitable. Cette stratégie repose sur deux axes principaux. Nous allons d'abord agir sur la structure de coût. Nous avons déjà engagé un plan de restructurations qui a touché nos usines au Royaume-Uni et en Allemagne...

En France également, avec la fermeture de l'usine de Blanquefort en Gironde...

En réalité, la fermeture de notre site de Blanquefort a seulement coïncidé avec notre plan de restructurations. Ce site qui fabriquait des boîtes de vitesse ne correspondait plus à nos besoins, et sa fermeture était déjà programmée...

Vous avez donc engagé une baisse de vos capacités de production en Europe...

Nous avons tout simplement recalibré nos capacités industrielles à nos ventes les plus rentables. C'est-à-dire que, parallèlement à cette baisse de nos capacités, nous avons revu nos canaux de distribution et cessé d'alimenter les canaux les moins profitables comme les loueurs de courte durée, afin de protéger la valeur résiduelle de nos voitures. Enfin, cette restructuration est également organisationnelle puisque Ford Europe s'appuiera désormais sur trois business units : le véhicule particulier, le véhicule utilitaire, dont je rappelle que nous sommes leaders en Europe, et le véhicule importé. Ces trois unités seront organisées de telles sortes qu'elles auront la responsabilité de toute la chaîne de valeur partant de l'ingénierie jusqu'à la commercialisation. Cette organisation que nous avons baptisée EPLM (Enterprise Product Line Management) doit nous permettre de gagner en efficience opérationnelle, et ainsi amplifier nos économies de structure de coût.

Qu'en est-il de votre plan produit ?

Nous engageons également une offensive produit sur deux volets. Dans un premier temps, nous avons revu notre portefeuille produits. Nous avons ainsi décidé de renoncer à plusieurs modèles comme la K+, le C-Max et le B-Max, qui ne correspondaient plus à des segments de marché dynamiques ou qui étaient peu vertueux en termes d'émissions de CO2. Il s'agit de relancer la marque à travers une offensive produit plus adaptée au marché. Celle-ci se divise en deux volets. D'abord, une forte offensive d'électrification avec pas moins de 14 modèles d'ici à la fin 2020. Ensuite, nous lançons quatre nouveaux SUV cette année : le Puma, le Kuga, l'Explorer et la Mustang Mach-E. Ford ne commercialisera pas seulement des SUV, mais ce segment sera clairement un fort axe de développement pour nous.

Peut-on parler d'une stratégie de repositionnement de Ford ?

Ford veut répondre à la demande du consommateur européen. Sur la partie électrification, nous avons fait le choix de poser une large offre qui inclut le 100% électrique avec le Mustang Mach-E, mais également de l'hybride rechargeable et de la petite hybridation. Cela permet d'apporter une réponse à tous les budgets. Nous profitons de cette opportunité pour apporter de nouveaux attributs à la marque Ford et c'est pourquoi nous lançons une nouvelle campagne de communication. Jusqu'ici, notre marque était considérée autour de valeurs de fiabilité, d'accessibilité et familiale. Désormais, nous souhaitons qu'elle soit aussi perçue pour ses innovations, sa connectivité, son dynamisme et son audace.

Ces attributs sont finalement ceux revendiqués par l'ensemble des marques automobiles : qu'est ce qui vous distingue des autres marques ?

Nous voulons assumer notre mission de marque généraliste qui est l'ADN de notre entreprise depuis sa fondation par Henri Ford. Nos innovations sont utiles et accessibles, elles s'inscrivent dans une proposition produit ouverte au plus grand nombre et pour répondre à tous les usages du quotidien.

Cet ADN que vous revendiquez vous permet-il de défendre vos prix y compris sur les finitions les plus hautes ?

Notre Focus lancée fin 2018 s'est vendue avec un très bon mix produit, notamment sur la finition STLine. Ford est tout à fait légitime sur des gammes d'équipements et de finitions supérieurs, et nous allons renforcer cette légitimité avec notre nouvelle stratégie produit et notre campagne de communication.