L'industrie automobile peut-elle produire massivement des respirateurs artificiels ?

Par Nabil Bourassi  |   |  727  mots
(Crédits : Reuters)
Les hôpitaux du monde entier manquent de respirateurs artificiels pour traiter les cas les plus graves de Covid-19. Face à cela, les constructeurs automobiles ont proposé leur aide pour lancer la production de ces appareils médicaux précieux (et chers). Mais leur expertise parait encore très limitée face à la vague pandémique qu'affrontent actuellement les États.

C'est le grand enseignement de la pandémie de Coronavirus : les hôpitaux manquent cruellement de matériels. Masques, solution hydroalcooliques tout manque... Les industriels se sont lancés dans une production à toute vitesse, au prix parfois de dérogations locales sur les normes exigées par l'Union européenne.

Tripler le parc de respirateurs en France

Sur les respirateurs artificiels, il est aisé de comprendre que la tâche s'annonce nettement plus complexe... Pourtant, les hôpitaux manquent cruellement de cet appareil qui permet de traiter les cas les plus graves de coronavirus. Impossible d'avoir toutefois des chiffres récents et fiables sur le parc français de respirateurs; un recensement est d'ailleurs en cours. Le dernier faisait état de 7.007 respirateurs en 2009, c'était déjà 2.000 de moins qu'en 2006, relève Le Parisien. Le gouvernement a fait savoir qu'il souhaitait tripler ce parc dans les plus brefs délais.

Pour les gouvernements, l'urgence est donc de se procurer des respirateurs de toute urgence. Et ce sont vers les constructeurs automobiles qu'ils se sont naturellement tournés. C'est en Italie que ce réflexe s'est mis en place pour la première fois. Là-bas, Ferrari s'est ainsi allié avec l'équipementier Magneti-Marelli pour lancer la fabrication d'une pièce spécifique manquante à la production de respirateurs, et ce, dès la mi-mars. L'Italie, il est vrai, a été le premier pays occidental à être massivement frappé par la pandémie. Aux Etats-Unis, Donald Trump a mis en demeure General Motors de se mettre à fabriquer des respirateurs sans attendre. Le président américain a même menacé d'avoir recours au Defense Production Act, un dispositif légal mis en place dans les années 50 lors de la guerre de Corée, pour mobiliser les forces de production du secteur privé à des fins de sécurité nationale.

La fabrication 3D, la meilleure option

En France, PSA a annoncé la semaine dernière qu'il travaillait à un moyen de mettre à contribution son ingénierie et ses usines (toutes à l'arrêt) pour fabriquer des respirateurs. De son côté, Renault a rejoint le projet Makers for Life installé à Nantes pour lancer la production de respirateurs artificiels avec l'objectif d'en fabriquer 500 et surtout de démarrer la production avant la fin de cette semaine. L'industriel a mis à la disposition de l'association sa force d'ingénierie, ses compétences en termes de centrale d'achat et de chaîne d'approvisionnement, ainsi que des locaux pour la mise en production. Enfin, Renault offre à Makers for Life son expertise en matière de conception 3D.

Pour les industriels, la clé pour accélérer les process de production est de passer par la fabrication 3D. Cela permet d'éviter de passer par la refonte de toute la chaîne de production (fabrication du moule, réglages des robots...) qui prendrait un temps considérable face à l'urgence sanitaire. Or, les constructeurs automobiles sont parmi les mieux équipés en imprimante 3D; ces appareils extrêmement onéreux et sophistiqués.

Chez PSA, on travaille également sur cette technologie mais déjà on relève un premier écueil: "il manque une compétence dans la partie électronique et nous sommes contraints d'aller vers la chaîne d'approvisionnement classique qui est déjà en rupture".

Il faudra également faire homologuer ces appareils par les autorités sanitaires. Chez Renault, on indique par exemple que les premiers exemplaires pourraient être une version prototype qu'il faudra soumettre à des tests cliniques afin de s'assurer qu'ils répondent bien à d'impératifs standards médicaux. Néanmoins, après certification, les équipes pourraient dès lors lancer une version définitive du respirateur. De son côté, l'étude PSA devrait dans les jours prochains indiquer si sa contribution industrielle et technologique est pertinente pour lancer la fabrication de respirateurs artificiels.

Le recours à l'industrie automobile est donc à relativiser. Son complexe industriel, son expertise en ingénierie, sa main d'oeuvre et son parc d'imprimante 3D reste tributaire d'une temporalité incompressible, alors même que le pic pandémique arrive dans les tous prochains jours en France. Personne n'est toutefois capable d'anticiper la dissipation définitive de l'épidémie... D'autant que les respirateurs restent extrêmement chers: entre 12.000 à 40.000 euros pour les appareils dédiés aux salles de réanimation. Une production en 3D pourrait alors faire baisser le coût unitaire. La recherche continue.