"Le Citroën moderne c'est une marque forte et populaire à la fois", Arnaud Belloni

Par Nabil Bourassi  |   |  888  mots
Arnaud Belloni estime que la marque Citroën a trop longtemps été fragilisée par des campagnes de promotions permanentes. Son but consiste à renforcer le capital de la marque.
Le directeur marketing du constructeur automobile français revient sur la stratégie de reconstruction de la marque. Il estime que Citroën en a définitivement fini avec la stratégie fondée sur les remises permanentes. Selon lui, la marque aux chevrons a décidé d'assumer son caractère populaire tout en inscrivant des actions visant à la "magnifier". Propos recueillis par Nabil Bourassi

LA TRIBUNE - Vous avez récemment évoqué le « Citroën moderne », qu'entendez-vous par cette formule ?

ARNAUD BELLONI - Citroën est une marque automobile qui va bientôt fêter ses 100 ans. C'est une marque qui a une histoire et on n'échappe jamais à son histoire surtout quand celle-ci est impressionnante. Avec Alfa Romeo, aucune marque au monde ne détient autant de collectionneurs en Europe et de façon plus surprenante aux États-Unis où la marque n'est pas présente. D'un autre côté, le Citroën de ces 30 dernières années, c'est l'histoire d'une marque qui a été fragilisée par une intensive politique de remise qui a laissé croire qu'acheter Citroën c'était faire une bonne affaire. Le Citroën moderne c'est une marque qui assume son héritage, mais qui la sublime à travers un plan produit qui colle avec son temps. Notre action est de magnifier la marque Citroën pour en faire une marque forte. Nous mettons en œuvre plusieurs actions dont la première d'entre elle est d'en finir avec les campagnes centrées sur la promotion. Les show-rooms seront également revus avec une approche plus artistique tout en mettant en avant des solutions virtuelles pour assister la décision d'achat. Nous avons d'ores et déjà lancé un programme de rénovation de nos concessions notamment en centre-ville et que nous avons appelé La Maison Citroën. Notre repère, c'est ce qu'a fait Apple... Lorsque vous entrez dans un Apple Store, vous êtes bien accueilli, les vendeurs sont extrêmement bien formés... Les clients respectent la marque. Pas un instant, il ne leur vient à l'esprit de demander 2% de remise...

Apple, ce n'est pas seulement une approche commerciale, c'est aussi des produits de qualité...

Évidemment, toute cette stratégie ne servirait à rien si le produit ne suivait pas. Or, Citroën est engagé dans une refondation de son plan produit qui fait le focus sur la qualité avec un fort accent sur le design. Nos actions commerciales ne font que se mettre au diapason de cette stratégie produit ambitieuse.

Ces dernières années, les consommateurs, et parfois certains acteurs de votre réseau de distribution, ont parfois été égarés par des hésitations sur le positionnement de la marque Citroën...

Nous avons adopté une stratégie plus ambitieuse autour de notre story-telling. Celui-ci est construit autour de nos nouveaux produits. Il consiste à mettre en avant les points forts de chaque voiture. Avec la C4 Picasso, nous allons ainsi raconter une histoire positive autour de la famille et du confort qui reste un marqueur de Citroën. Avec la C3, nous jouons la carte de la caméra connectée, c'est très parlant pour les jeunes générations, et c'est une véritable innovation sur ce segment de marché. Notre ambition c'est donc de créer une émulsion narrative autour des produits de la marque, tout en suscitant un impact.

Mais quel est le story telling de la marque ? Parce que parler d'un produit c'est bien, mais la dynamique de marque peut aussi être un vrai moteur commercial...

Ce n'est pas du story-telling, c'est une philosophie que nous nous imposons... Le « people minded brand », autrement dit, nous nous inspirons des gens, de leur mode de vie pour être proche d'eux dans nos valeurs et dans nos produits évidemment. Citroën assume totalement le fait d'être une marque populaire dans le bon sens du terme, et qui se place au cœur du marché. Cette philosophie se résume en un triptyque de valeurs : human, smart, optimistic. C'est très parlant pour les gens. Notre but est de construire une marque forte comme je le disais. Cette solidité ne doit pas seulement nous permettre de vendre plus de voitures, mais d'être plus résilient pendant les périodes de disettes.

Est-ce que cette stratégie marketing est facilement exportable sur des marchés plus complexes comme la Chine ou même encore l'Allemagne, qui est un pays où Citroën est historiquement faible et où règne la culture des marques premium ?

Il ne faut jamais singer les allemands, ça ne marche jamais. Au contraire ! Citroën jouit d'une forte notoriété en Allemagne. Le fait qu'elle assume désormais son positionnement populaire, mais au-delà, une identité propre, cela plait y compris en Allemagne. D'ailleurs, il suffit de voir nos performances commerciales depuis le début de l'année. Au premier trimestre, nos ventes y ont augmenté de 13,7% après avoir progressé de 9% en 2016. En Chine, nous avons une opportunité extraordinaire à saisir, c'est l'âge moyen des acheteurs (autour de 34 ans, ndlr). Toucher une clientèle plus jeune, c'est pile la cible de notre stratégie produit et commerciale.

Votre stratégie est-elle compatible avec les cars policy (stratégies d'achats de voitures) des grands flottes automobiles qui font plus de la moitié du marché du neuf en Europe ?

La valeur résiduelle qui est au cœur de ces cars policy ne sont que la transcription de la confiance des acheteurs dans une voiture. Or, celle-ci est très bonne sur nos nouveaux produits. Cela confirme d'ailleurs ma conviction qu'une stratégie de communication essentiellement concentrée sur la remise commerciale est destructrice de valeur.

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Propos recueillis par Nabil Bourassi