Le plan de Nissan pour se relancer en Europe

Par Nabil Bourassi, à Genève  |   |  806  mots
Le Qashqai est encore considéré comme la référence du segment des SUV, mais a été ringardisé par les Peugeot 3008 et autres Volkswagen Tiguan. Son renouvellement est très attendu... (Crédits : Reuters)
La marque japonaise a perdu du terrain en 2018 sur le marché européen, tandis que le Brexit lui fait porter un risque opérationnel majeur. La marque estime toutefois que le redressement est à portée de main à la faveur d'une nouvelle technologie innovante, mais également avec le renouvellement d'une gamme SUV vieillissante...

A défaut de nouveautés, Nissan Europe a présenté au salon automobile de Genève, qui a ouvert ses portes ce mardi 5 mars, des technologies et des concept-cars qui ont apporté une partie de la réponse aux difficultés de la marque en Europe. Deux concepts dont un qui doit préfigurer les traits du prochain Qashqai sont ainsi exposés sur le stand. Mais c'est sur sa stratégie d'électrification que le groupe japonais a voulu attirer l'attention.

Une stratégie d'électrification innovante

Pourtant pionnier avec la Leaf, la voiture électrique la plus vendue au monde, Nissan semblait avoir effectivement pris un peu de retard dans l'électrification de sa gamme. Ce devrait être chose réparée avec e-Power, une technologie hybride innovante. Le principe consiste à activer un moteur thermique en continu qui alimente une batterie électrique qui, elle, s'occupe de la propulsion et toutes ses variations (accélération, côte...). Autrement dit, le moteur thermique tourne à son niveau de rendement le plus optimal, tandis que la batterie électrique prend en charge les manoeuvres les plus énergivores. Déjà équipé au Japon, le Note gagne environ 30% de consommation de carburant entre sa version thermique et celle équipée de la technologie e-Power.

e-Power, un succès fulgurant au Japon

Cette technologie doit équiper le prochain Qashqai qui ne sortira pas avant 2020 voire 2021, juste après le Juke qui sera également électrifié, mais pas sur cette solution. Les ambitions de Nissan Europe sont importantes. La firme vise 42% de ses ventes en solutions électrifiées à horizon 2022, soit deux fois plus que ce que devrait faire le marché. Le succès fulgurant de l'e-Power au Japon conforte la marque japonaise dans cette stratégie. La part des ventes du Note équipé de cette technologie atteint les 70%. Cela a même permis à cette voiture de prendre le leadership de son segment, toutes marques confondues.

Cette technologie pourrait être un levier pour relancer les ventes de Nissan en Europe. La marque souffre depuis un an d'une forte baisse de ses volumes de vente. En 2018, les ventes de Nissan en Europe ont baissé de 14% avec 474.000 immatriculations (-80.000 environ). La part de marché a fortement baissé passant de 3,7 à 3,1%.

La référence des SUV a pris un coup de vieux...

Pourtant marque de référence dans les SUV avec le Qashqaï et le Juke, premier du genre sur le segment B, la gamme de Nissan a pris un sacré coup de vieux face à une concurrence qui a largement renouvelé le segment, notamment les marques françaises avec le Captur de Renault sur le segment B ou le 3008 de Peugeot face au Qashqaï. Sans parler de l'offensive du groupe Volkswagen qui a lancé pléthore de modèles sur ces deux segments (T-Roc, T-Cross, Ateca, Kodiaq, Karoq, Arona...).

En outre, l'opération d'assainissement des canaux de distribution mis en œuvre par Gianluca de Ficchy, le nouveau patron de Nissan Europe arrivé en août 2018, a eu un impact significatif sur les ventes. Les ventes aux loueurs (immatriculations dites tactiques et peu rentables) ont été divisées par deux en 2018 et la purge doit se poursuivre en 2019.

« La priorité va désormais aux ventes rentables », explique-t-on chez Nissan.

« Nous devons valoriser la marque », souligne le patron de Nissan Europe, ancien patron de RCI Banque, la filiale de financement de Renault.

"Hard Brexit", le scénario catastrophe de Nissan

Plus grave encore, Nissan est gravement exposé aux conséquences du Brexit puisque la principale usine qui fournit Qashqai, Juke et Leaf est installée au Royaume-Uni, à Sunderland, près de Newcastle. Ce site est réputé pour son niveau de productivité, l'un des plus importants d'Europe. C'est aussi une des plus grandes usines du continent en volumes : entre 400.000 et 500.000 voitures sortent de ses lignes chaque année.

A trois semaines du Brexit, Nissan ne sait pas dans quelles conditions cette usine pourra livrer son réseau de distribution en Europe : retour des frontières, fiscalité, importation des pièces, blocage dans les ports... Gianluca de Ficchy promet que tout est prévu pour les différents scénarios ("hard" ou "soft" Brexit, voire "no deal", en fonction de ce qui sera décidé entre Londres et Bruxelles), mais ne cache pas son inquiétude.

« Nous avons prévu d'utiliser des ports différents si les principaux sont bloqués par des contrôles de douane », a-t-il expliqué.

Le trou d'air risque donc de se poursuivre pour Nissan. La marque japonaise juge toutefois que cette période touche à sa fin et que les ventes devraient repartir dès la fin de l'année avec l'arrivée probable d'un nouveau Juke. Un nouveau Qashqai est également attendu en 2020. L'enjeu est de reprendre la place de numéro un et ainsi conserver son statut de référence du segment.