Les micro-citadines sont-elles menacées par le filtre à particule ?

Par Nabil Bourassi  |   |  849  mots
Le filtre à particules permet de retenir les particules fines, et est obligatoire sur les motorisations diesels.
La Commission européenne veut imposer le filtre à particule sur les motorisations essence à injection directe. Cette technologie avait condamné le diesel sur les micro-citadines en raison de son coût proportionnellement trop élevé par rapport au prix de production. En réalité, ce segment est déjà soumis à un examen approfondi qui a déjà conduit certaines marques à l'abandonner...

Le filtre à particule bientôt obligatoire sur les motorisations essence à injection directe ? C'est l'orientation que semble prendre l'Union européenne après une réunion menée mardi 20 décembre à la Commission européenne. Celle-ci avait réuni experts et représentants des États membres pour décider d'une panoplie de mesures pour lutter contre la pollution aux particules fines, et améliorer son contrôle. Elle a ainsi décidé d'un nouveau protocole de tests laboratoires.

Des particules très fines passent encore

Bruxelles veut également imposer un filtre à particules aux motorisations essences à injection directe. Celles-ci sont réputées plus émettrices de particules fines, bien qu'elles soient moins consommatrices de carburant.

"Les particules émises sont devenues de plus en plus petites et invisibles à l'oeil. Ces particules petites, mais toujours cancéreuses existent autant pour les véhicules diesel ordinaires que pour les véhicules essence avec une technologie à injection directe", explique toutefois la Commission dans son communiqué.

"Pour être précis, la Commission veut imposer un plafond d'émissions de particules pour novembre 2018, et compte tenu de l'objectif, il n'y a guère que le filtre à particule qui permette d'atteindre ce niveau de performance", nous explique un porte-parole de Renault.

Jusqu'ici, le filtre à particules était obligatoire pour les motorisations diesel. Ce carburant émet beaucoup plus de particules fines qu'un moteur essence. Les constructeurs automobiles font valoir que le filtre à particules, associé à d'autres technologies comme le SCR par exemple, a permis de baisser les émissions de particules fines de plus de 90% entre un modèle datant d'avant 2000 et un modèle actuel.

Mais les associations environnementales estiment que si le filtre à particules a effectivement permis de limiter grandement les émissions de particules fines, celui-ci est néanmoins inefficace sur les particules les plus fines, considérées les plus dangereuses. De plus, elles jugent qu'on ne dispose d'aucune donnée sur la formation de particules fines une fois que le gaz a quitté le pot d'échappement et qu'il est en contact de l'air.

Rien ne changera pour Twingo, 108 et C1 ont anticipé

L'obligation du filtre à particules fines sur les motorisations diesel avait contraint les constructeurs à abandonner cette technologie sur les voitures de segment A dit des micro-citadines, de type Twingo, 108 ou C1. Celles-ci sont soumises à un modèle économique trop précaire pour supporter un tel surcoût. La perspective d'un filtre à particules sur les motorisations essence pourrait modifier le mix sur ce segment.

Chez Renault, on n'est pas inquiet puisque Twingo ne dispose pas de motorisations à injection directe. Ni la Clio d'ailleurs puisque les TCE75 et TCE90 sont des essences à injection indirecte. Chez PSA, c'est une autre histoire. Le groupe emmené par Carlos Tavares dispose bien de motorisations essence à injection directe sur ses petits modèles. Mais, le groupe avait de toute façon annoncé qu'il équiperait dès 2017 toutes ses essences à injection directe d'un filtre à particules, y compris les petits modèles. "Nous avons anticipé la réglementation européenne", admet-on au siège du groupe.

PSA s'inscrit dans sa politique de se championnes de la transparence et des meilleures technologies environnementales. Il avait ainsi abondamment communiqué sur le choix du SCR, qui permet de neutraliser les Nox, tandis que Renault s'empêtrait dans un défaut de calibrage de son NoxTrap, une technologie moins cher et moins efficace.

Nissan et Ford ont abandonné

Mais l'arrivée du filtre à particule interroge la solidité du modèle économique des micro-citadines. Comme expliqué, l'obligation du filtre à particule avait sonné le glas du diesel sur les voitures de segment A. Plus que cela, certains constructeurs ont totalement abandonné le segment, à l'image de Nissan qui a fait évoluer sa Micra sur la catégorie supérieure, comme Ford avec sa Ka d'ailleurs.

Chez PSA, on assure avoir travaillé sur des gains de coûts suffisants pour intégrer le filtre à particule sans impacter le modèle économique.

En réalité, les micro-citadines souffrent déjà d'une conjoncture peu dynamique. Depuis le début de l'année, leur progression est quatre fois moins élevée que la hausse du marché. En part de marché, elles représentent moins de 8% des ventes en Europe, un niveau historiquement bas.

Vers un repositionnement...

La montée en puissance des flottes d'entreprises sur le marché du neuf a favorisé le segment supérieur. Côté particulier, les acheteurs se sont détournés d'une catégorie contraignante (petit coffre, places arrières très étroites, usage quasi-exclusivement urbain...) pour chercher le segment des citadines (Clio, 208, C3...) réputé plus polyvalent, et qui a fait l'objet d'un plan produit plus ambitieux et plus soigné de la part des marques automobiles. Ces dernières y voient effectivement une source de profits plus importante.

Autrement dit, l'arrivée du filtre à particule pourrait marginalement impacter le segment. Mais celui-ci est d'ores et déjà soumis à un examen minutieux de la part des constructeurs. Les micro-citadines ne sont pas condamnées mais elles n'échapperont pas à un travail de repositionnement ou de reconceptualisation. Les constructeurs ont déjà montré qu'ils en étaient capables. La prime ira au plus imaginatif...