"Les prêts subprimes menacent l'industrie automobile américaine" (Coface)

Par Propos recueillis par Nabil Bourassi  |   |  509  mots
Khalid Aït-Yahia (à gauche) et Paul Chollet (à droite), économistes à la Coface.
La Coface publie ce mercredi une étude sur le risque crédit du marché automobile américain. Si le crédit a soutenu la croissance du marché au point de revenir à son niveau d'avant-crise, il menace toutefois sa stabilité compte tenu de la multiplication de prêts à risques. Khalid Aït-Yahia et Paul Chollet, économistes à la Coface, expliquent à La Tribune les ressorts de ce phénomène.

La Tribune : La Coface évalue le risque crédit sur le marché automobile américain. Quelle est la situation ?

Khalid Aït-Yahia : Nous avons classé le secteur automobile américain en catégorie "risque faible" qui constitue l'échelon le plus faible de notre barème des risques. En effet, du côté de la production, l'investissement est en hausse, notamment car les constructeurs nationaux et étrangers relocalisent en partie l'assemblage sur le territoire afin de lancer de nouveaux modèles. Du côté de la demande, les ventes d'automobiles (16,5 millions de véhicules vendus en 2014) ont atteint les niveaux d'avant-crise, contrairement à l'Europe. Il y a un appétit à se rééquiper en voitures, exprimé par les ménages. Néanmoins, nous nous inquiétons de voir que le crédit automobile est l'une des principales variables explicatives à la croissance des ventes. Ainsi, 85% des achats de véhicules étaient achetés à crédit au troisième trimestre 2014, contre 74% en 2009. L'inquiétude, c'est que, en 2014, quatre nouveaux prêts sur dix étaient classés subprimes, c'est-à-dire que l'emprunteur présente un risque de défaut non négligeable.

Qu'est ce qui pourrait enclencher le risque d'après vous ?

Paul Chollet : La maturité de ces prêts est particulièrement longue (72 à 84 mois). Avec la volonté de la Réserve fédérale américaine d'augmenter ses taux d'intérêts, on peut craindre que les taux réels de ces prêts puissent augmenter de 3 à 4 points sur cette période.

La Fed pourrait agir dans les prochains mois, pensez-vous que le risque est imminent ?

Paul Chollet : Nous pensons que la Fed agira plutôt en fin d'année, voire début 2016. Les ménages américains s'étant paupérisés par rapport à 2007, une hausse des taux pourrait ne pas être supportée par les emprunteurs subprimes. En effet, le revenu des 20% les plus pauvres était en 2013 encore 10% inférieur à son niveau de 2007, et le revenu médian 8% inférieur. Mais, nous constatons dans le même temps que le niveau de l'emploi est à un niveau quasi-proche du plein-emploi, ce qui permet d'espérer que les salaires repartent à la hausse - ce qui pourrait compenser ainsi la hausse des taux d'intérêt.

Le marché automobile américain serait-il pour autant tiré d'affaire une fois ces considérations macroéconomiques surmontées ?

Khalid Aït-Yahia : Le marché automobile américain a probablement atteint, ou est proche, d'un plus-haut en terme de volumes. Pour autant, compte tenu de l'âge moyen du parc automobile circulant, entre 10 et 11 ans, le marché a quelques années de ventes devant lui. Cependant, le renouvellement de ce parc ne pourra se faire que si les constructeurs proposent une offre plus intéressante que celle actuellement en service. La voiture connectée pourrait ainsi devenir une excellente opportunité pour motiver le renouvellement du véhicule. Des voitures plus sobres en énergie devraient également séduire une nouvelle génération d'Américains moins sensibles à la culture de l'automobile, et plus friandes de solutions de transports alternatives.