Peugeot, Citroën, DS... Pourquoi les ventes de PSA plafonnent ?

Par Nabil Bourassi  |   |  897  mots
(Crédits : Christian Hartmann)
En 2019, le groupe automobile français a enregistré des ventes en baisse, y compris sur le marché européen. Si la conjoncture explique en grande partie cette baisse, les ventes groupe semblent structurellement plafonnées en vertu d'une stratégie industrielle extrêmement rationalisée et un plan produit très resserré. Cette stratégie s'explique par le traumatisme de la crise lorsque PSA croulait sous les capacités de production, au point de se retrouver au bord de la faillite...

Une année 2019 mitigée ou carrément décevante ? Les résultats commerciaux de PSA portent en tout cas le sceau de la panne de croissance. Avec des ventes en baisse de 6,6% (de 10% en données brutes qui prennent en compte l'Iran, que PSA a été contraint de quitter), le groupe automobile français ne semble tirer profit ni de la dynamique de marque de ces dernières années avec des gammes renouvelées et à la qualité reconnue par tous, ni du rachat d'Opel... Avec 3,5 millions de voitures vendues, PSA perd 230.000 voitures sur l'année. La faute à qui ?

Une conjoncture défavorable

D'abord la conjoncture! L'industrie automobile est entrée dans une phase de ralentissement, signant la fin du cycle haussier qui avait succédé à la crise des subprimes et dont la longévité avait été historiquement longue, quasiment dix ans. En Europe, le marché se tasse, tandis qu'en Amérique Latine, il se casse les dents sous le poids des crises monétaires.

"Avec une inflation forte et des volumes divisés par deux, nous avons choisi de nous mettre en retrait du marché argentin", reconnaît Jean-Philippe Imparato, directeur général de Peugeot.

Car l'autre explication est d'ordre culturelle. PSA est resté traumatisé par la crise des subprimes qui l'avait conduit à la quasi-faillite en 2011/2013. D'après les anciens de la maison, cette crise prenait racine dans les ambitions de volumes des directions précédentes. Jean-Martin Folz avait promis dès le début des années 2000 de doubler le ventes de PSA soit 4 millions de voitures. Survient alors la crise et PSA, très loin de cet objectif, se retrouve avec des capacités de production totalement décorrélées de la réalité, et des coûts de revient exorbitants. Il faut alors couper à la hache. Philippe Varin ferme alors l'usine d'Aulnay, et Carlos Tavares a également abaissé les capacités des usines. A Rennes, on est passé d'une capacité de 400.000 voitures par an à 120.000 aujourd'hui.

Les équipes d'ingénieurs de PSA ne veulent pas reproduire ce schéma, et tout est optimisé. Les usines sont même désormais en sous-capacités et sont contraintes aux 3 huit (24h/24) et au VSD (travail le week end). Les réseaux de distribution, eux, sont dépourvus de stocks. En outre, les gammes des marques ont été largement resserrées. Chez Peugeot, l'arrivée d'une nouvelle 308 cette année va fermer le cycle de renouvellement d'une gamme de six modèles... Chez Citroën, le plan produit prend du retard, même si la direction a promis de lancer un modèle par an. Aujourd'hui, la marque aux chevrons dispose de deux SUV et une petite berline... De son côté, la gamme DS ne comporte désormais plus que deux modèles. A l'inverse, les marques concurrentes étoffent leurs gammes avec de nombreux lancements. Chez Volkswagen, la gamme compte 4 SUV, Seat lance plusieurs modèles par an, et Renault a également un plan produit riche.

Mais pour PSA, sa stratégie est extrêmement vertueuse d'un point de vue de la rentabilité. Le groupe français n'a cessé d'améliorer ses ratios financiers, au point d'afficher une marge de deux points supérieurs à celle de Renault au premier semestre 2019, alors que celui-ci bénéficie de larges synergies avec Nissan. Mieux encore, avec 8,5% de marge opérationnelle, PSA se positionne à quelques encablures des standards des marques premium.

Pas de pilotage par les volumes

La méthode Tavares est fondée sur la croissance rentable: moins de modèles, mais plus de rentabilité. Chaque marque doit travailler un positionnement spécifique, soigner ses produits et dégager de la valeur. Le résultat a été spectaculaire. Peugeot ou Citroën ont enregistré des ventes avec de très hauts niveaux de finition. "Les volumes viendront plus tard", pensait alors Carlos Tavares. Selon lui, un pilotage par les volumes conduit à des erreurs stratégiques, notamment les ventes dites tactiques. Celles-ci sont peu rentables et altèrent la valeur résiduelle de chaque modèle, qui, par voie de conséquence, perdent de la compétitivité sur le marché des grandes flottes automobiles car plus difficiles à revendre.

Le succès de cette stratégie se heurte donc à une conjoncture peu favorable pour tirer les volumes. L'autre revers de cette stratégie, c'est l'international. Les pays émergents sont moins sensibles à ces considérations de valeur et la faiblesse de l'animation de gamme a pénalisé PSA. Le refus de se jeter dans une guerre des prix a également coûté à PSA le marché chinois où il ne pèse désormais plus grand chose (117.000 voitures en 2019). En Amérique Latine, la situation est encore plus critique puisque PSA rechigne même à y commercialiser ses derniers modèles.

A la direction de PSA, on n'est pas inquiet de la baisse des volumes en 2019, et on donne rendez-vous mi-février lors de la publication des résultats financiers. Quelle que soit la qualité des résultats financiers sur l'exercice, la méthode Tavares de maîtrise des volumes porte une contradiction, celle d'un impératif: les défis technologiques futurs seront très coûteux et il faudra vendre plus pour amortir les investissements. C'est en vertu de ce postulat que Carlos Tavares a été conduit à conclure un accord de fusion avec le groupe Fiat Chrysler Automobiles.