Renault : cap vers une croissance organique résolument rentable

Par Nabil Bourassi  |   |  995  mots
En 2022, Renault devra avoir "doublé ses volumes et tripler ses bénéfices", selon Carlos Ghosn.
Carlos Ghosn veut que le groupe automobile français vende 40% de voitures en plus en 2022. Cette hypothèse repose sur un plan produit ambitieux conjugué à une couverture géographique que Renault n'a jamais connu jusqu'ici. Le développement de la voiture électrique devrait également être un important levier de croissance pour le groupe. Carlos Ghosn a également donné des gages sur les synergies et les gisements de compétitivité qui devraient permettre à Renault de tripler ses ratios de rentabilité...

Carlos Ghosn veut faire entrer Renault dans une nouvelle phase de son histoire. Après le plan Drive the Change qui a permis à la marque au losange de se relancer dans une démarche de « discipline budgétaire », le plan Drive the Future, divulgué ce vendredi, ambitionne de concentrer le groupe sur une  « croissance durable, rentable et mondiale », d'après les propres mots du Pdg du groupe français.

Le plan stratégique vise un chiffre d'affaires de plus de 70 milliards d'euros en 2022 assorti d'une marge opérationnelle de plus de 7%, soit une augmentation de plus de 50% de ce ratio de rentabilité. Le cash flow doit être positif à chaque exercice annuel de la durée du plan. En 2022, Renault accompagnés de ses filiales (Dacia, Avtovaz, Alpine et Renault Samsung Motors) devront avoir commercialisé 5 millions de voitures en 2022 en augmentation de 40% par rapport à 2016 !

Ce n'est pas en Europe que le groupe veut tirer le principal levier en volume de ventes. Le premier levier sera évidemment l'Asie, notamment la Chine. Le groupe Renault s'est tardivement implanté dans ce pays (2016 première année d'exploitation avec 35.000 voitures vendues). Carlos Ghosn croit possible d'atteindre un volume de 550.000 immatriculations sur le premier marché du monde en 2022, ce qui porterait les ventes 700.000 ventes en Asie-Pacifique. En Chine, le groupe veut y commercialiser sept modèles dont trois voitures électriques.

500.000 voitures en plus en Inde et en Iran

En Inde, le groupe se veut également très offensif en s'appuyant sur le succès du Kwid. Deux autres modèles de la même famille y seront lancés. Renault vise les 250.000 voitures en 2022 (soit plus de 5% de parts de marché) contre 132.000 en 2016. L'Iran devra également porter la croissance du groupe avec 250.000 livraisons, contre 109.000 en 2016. Dans ce pays, Renault veut s'accaparer 15% du marché. Les capacités industrielles seront augmentées de 150.000 voitures par an.

En Amérique Latine, Renault veut augmenter ses volumes de 40% et dépasser les 600.000 voitures à la fin du plan. L'objectif est d'atteindre les 10% de parts de marché au Brésil et conserver la place de numéro un en Argentine.

L'eldorado russe

Enfin, c'est en Russie que Renault veut booster ses ventes. Carlos Ghosn juge que le potentiel de croissance est énorme dans ce pays et que Renault dispose de tous les leviers pour en tirer un maximum de bénéfices. Le groupe rappelle que si la Russie n'a représenté que 1,4 million d'unités en 2016 au total, il a déjà prouvé par le passé qu'il pouvait flirter avec le seuil des 3 millions d'immatriculations comme en 2012 ou en 2008. Avec Avtovaz, désormais sous contrôle et même consolidé dans les comptes du groupe, Carlos Ghosn veut reprendre des positions. L'arrivée de deux modèles (Vesta et Xray) a déjà permis à Lada de reprendre 4 points de parts de marché à 19,5% en 2017. L'objectif d'Avtovaz sera de poursuivre ses efforts pour atteindre les mêmes ratios de compétitivité du groupe Renault. La marque au losange, elle, devra continuer son offensive commerciale en Russie et atteindre une part de marché de 10% à la fin du plan (8,2% en 2016), soit 250.000 voitures.

Le groupe français veut également relancer sa stratégie véhicules utilitaires légers pour accompagner sa croissance. Avec sa gamme de fourgons et autres Kangoo, le groupe s'estime bien positionné et compétitif. L'objectif est d'augmenter les volumes de 40% et de multiplier par deux la couverture géographique de cette branche notamment avec l'arrivée de pick-up. Le marché chinois est le plus visé avec ses 3 millions de VUL. Renault va augmenter le nombre de produits sur ce segment, mais également les électrifier. Enfin, la marque va poursuivre ses efforts en matière de services B to B pour séduire les entreprises.

De nouveaux produits connectés, électriques et autonomes

Le dernier levier pour porter les volumes sera évidemment la stratégie produit. Celle-ci reposera sur le lancement et le renouvellement de 21 modèles d'ici 2022, dont 8 SUV. L'objectif est d'élargir les gammes pour aller chercher de nouvelles opportunités commerciales. Ces nouveaux produits seront plus connectés mais également plus autonomes. C'est la nouvelle Clio qui inaugurera ces nouveautés. Deux voitures de segment B auront une autonomie de niveau 2 avant 2019. Et en 2022, Renault compte commercialiser des voitures avec une autonomie de niveau 4, pour viser des flottes de robotaxis. La gamme global access ne sera pas négligée puisque Ghosn veut qu'elle représente deux millions de voitures par an à la fin du plan. Le renouvellement du Duster et l'élargissement de la famille Kwid devrait aider.

Enfin, la voiture électrique devrait être un puissant levier de compétitivité pour le groupe qui estime être en avance sur ses concurrents. « Nous allons accélérer alors que nos concurrents en sont encore au démarrage », a déclaré Gilles Normand en charge du département voiture électrique. « Notre ADN reste la mobilité électrique abordable », a-t-il ajouté. Ainsi, Renault va lancer près de 8 nouvelles voitures électriques dont 3 renouvellements.

Un souci indéfectible de rentabilité

La croissance organique sera donc le maître-mot de la stratégie de Renault. Mais pas question pour Carlos Ghosn de laisser la machine industrielle s'emballer et laisser filer les coûts. Thierry Bolloré, en charge de la compétitivité, a indiqué les nouveaux leviers de synergies qui permettront à Renault de rester compétitif : l'ingénierie partagée avec Nissan et Mitsubishi, le partage des plateformes et des pièces qui seront poussés encore plus loin. 80% des voitures seront fabriquées à partir de plateformes communes, et 100% des pièces non visibles. Renault verra le coût des pièces baisser de 20%. L'objectif étant de multiplier par deux les synergies entre 2016 et 2022.

Tous les départements du groupe sont mobilisés pour contribuer à cet effort. Du marketing à la R&D en passant par la captive (RCI Banque)... Carlos Ghosn a résumé en quelques mots l'esprit de ce plan : « doubler les volumes et tripler les bénéfices » !