Voiture électrifiée : la stratégie de PSA pour remporter le défi industriel

Par Nabil Bourassi  |   |  958  mots
(Crédits : © Regis Duvignau / Reuters)
Le groupe automobile français s'apprête à déployer une ambitieuse gamme de motorisations hybrides et 100% électrique sur l'ensemble de sa gamme. Pour ne pas altérer la performance et la compétitivité de ses usines, le groupe emmené par Carlos Tavares a usé de process ingénieux et innovants, limitant la facture finale. PSA veut également justifier le prix de vente de cette technologie en mettant en avant le coût compétitif à l'usage.

C'est parti ! PSA est enfin prêt pour une grande offensive dans l'électrification de sa gamme. Le groupe automobile français qui a essuyé plusieurs lourds renoncements en la matière (abandon de la technologie hybride air, fiasco de l'hybride diesel...) a présenté à la presse, jeudi dans son usine de Sochaux, son plan de déploiement industriel de sa technologie hybride, essence cette fois.

Les échéances commerciales avaient déjà été annoncées. Dès 2019, tous les nouveaux lancements auront une version électrifiée, qu'elle soit 100% électrique ou plug-in hybride (en français hybride rechargeable ou plus connue sous le sigle PHEV). Le but est d'atteindre en 2025 un portefeuille de modèles, toutes marques confondues (Peugeot, Citroën, DS, Opel), entièrement disponible dans une version électrifiée.

Les premiers véhicules PHEV seront lancés en 2019 avec la C5 Aircross, le Peugeot 3008 et la DS7 Crossback. Une DS3 Crossback 100% électrique sera lancée fin 2019, et la future 208 sera également lancée en version thermique et électrifiée.

Deux plateformes multi-énergies

Pour y parvenir, PSA s'appuie sur deux plateformes multi-énergies. La première, c'est l'EMP2. Lancée en 2013, elle a été pensée pour intégrer des moteurs électriques et des batteries. Cette plateforme (où pas moins de 16 modèles ont été conçus) est prévue pour des véhicules de segment C et D. Plus récemment, PSA a lancé la plateforme CMP spécialisée sur des plus petits gabarits (segment B et C). C'est la DS3 Crossback qui doit inaugurer cette plateforme prévue pour une dizaine de modèles sur les marques du groupe, mais également pour le chinois Dongfeng.

D'après les projections de PSA, le marché de l'électrification sera multiplié par 10 dans le monde d'ici 2025, et par 13 en Europe. Il existe, certes, une dynamique de marché, mais il y a également une contrainte réglementaire puisque les normes ne vont cesser de se durcir à cet horizon (dès 2020), sans parler des restrictions de circulation pour les voitures thermiques dans certaines agglomérations.

Un enjeu industriel majeur

Pour PSA, l'enjeu de l'hybridation était d'abord un enjeu de mise en œuvre industrielle. Il s'agissait d'intégrer cette technologie sans alourdir les process industriels avec le risque d'altérer la performance des usines, véritable boussole de la stratégie de Carlos Tavares. Frédéric Laganier, directeur de la stratégie industrielle, explique que le groupe est parvenu à évacuer le problème.

« Il y a trois stades dans le processus de production, le ferrage (la carrosserie, ndlr), la peinture et le montage. Sur ces deux stades, nos lignes sont suffisamment flexibles pour qu'il n'y ait aucune incidence sur la performance des process. Sur le ferrage en revanche, nous avons limité l'impact de l'intégration de ces technologies puisque seul « l'unit arrière » (le train arrière, ndlr) de la plateforme est différente ».

Olivier Salvat, le directeur du programme PHEV, lui, explique que le moteur classique a été modifié à la marge de sorte à ne pas l'encombrer davantage dans sa version hybride. Ainsi, sur le moteur thermique sur lequel est adjoint une hybridation électrique, le convertisseur disparaît et laisse un espace où les ingénieurs sont parvenus à loger un embrayage humide et un moteur électrique.

« Nous avons réussi l'exploit de totalement préserver l'habitabilité et le coffre entre les versions thermiques et hybrides », a-t-il souligné.

Et de faire la démonstration du montage de ce moteur pour prouver qu'il ne prend pas plus de temps que pour une version thermique classique. « En volume de pièces, une voiture hybride n'a que 7 à 8% de pièces spécifiques », précise Olivier Salvat.

Une technologie très chère à l'achat

Pour PSA, l'essentiel est sauvé. L'intégration de la technologie PHEV ne devrait pas avoir d'incidence sur les performances industrielles du groupe. Le coût de son déploiement devrait coûter 100 millions d'euros en tout. Mais une fois le modèle industriel rodé, il reste à trouver un modèle commercial solide, car l'électrification reste nettement plus chère à l'achat.

Pour Alexandre Guignard, directeur de la division basses émissions, un véhicule hybride est rentable à l'achat, à condition de l'apprécier dans sa globalité, c'est à dire, après avoir pris en compte le coût d'usage. Il rappelle ainsi que le coût de maintenance d'une voiture électrique est jusqu'à 30% moins cher (pour le 100% électrique) qu'une voiture thermique. Autrement dit, les économies réalisées à l'usage permettent de compenser l'écart de prix à l'achat.

Si on ajoute à cela, les dispositifs d'incitation à l'achat et une fiscalité avantageuse, les voitures électrifiées ont un TCO (le fameux coût d'usage) égal aux motorisations thermiques. Le 100% électrique a un TCO équivalent à une essence automatique, tandis que le PHEV fait jeu égal à un diesel automatique.

Vers le retour d'une prime à l'achat ?

Cet indicateur est fondamental pour convaincre les gestionnaires de flotte d'intégrer des voitures électrifiées, un canal de vente non négligeable puisqu'il représente une bonne part des ventes de neuf (la moitié en France). Impossible pourtant de détourner le regard de l'acheteur particulier de l'étiquette d'achat en valeur absolue. PSA pourrait donc promouvoir sa gamme électrifiée à travers des offres de LOA (location avec option d'achat) qui prend en compte le coût d'usage autant que la valeur résiduelle à travers un loyer. Cela tombe bien, ce financement est en plein boom en France !

Mais le groupe français aimerait également que l'État français remette la main à la poche en relançant une prime à l'achat sur les hybrides rechargeables, brutalement interrompus en 2016. PSA estime que pour relancer ce marché, il faudrait une prime de 2.000 euros, soit un coût d'un peu plus de 40 millions d'euros.