Logement : que changerait une révision des valeurs locatives ?

Par Mathias Thépot  |   |  928  mots
Une révision des valeurs locatives amènerait uniquement à une répartition différente de l'impôt dans les communes
Si une révision des valeurs locatives était actée dans les prochaines années, les classes moyennes pourraient être les plus pénalisées. Mais le montant des recettes fiscales générées devrait être constant.

Un gouvernement pourrait donc (enfin) réformer le calcul des taxes d'habitation et foncière, considérées comme deux des impôts les plus injustes en France. L'exécutif a mis en place une expérimentation des valeurs locatives cadastrales qui servent de base de calcul à ces deux taxes. L'expérience apparemment concluante menée en la matière auprès des locaux commerciaux - pour lesquels une actualisation des valeurs locatives aura finalement lieu début 2017 - a fini de convaincre les pouvoirs publics de lancer une phase d'expérimentation sur les locaux d'habitations.

Le chantier de la révision des valeurs locatives des habitations donne en ce moment lieu à une expérimentation dans cinq départements qui n'aura "aucune conséquence fiscale" pour les contribuables, a bien expliqué le ministère des Finances. L'expérimentation est menée par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) en Charente-Maritime, dans le Nord, l'Orne, à Paris et dans le Val-de-Marne. Les propriétaires bailleurs de ces départements ont jusqu'au 3 avril par papier et jusqu'au 17 avril sur internet pour communiquer la nature de leur local (maison, appartement) loué, sa surface et le montant du loyer. Ces données permettront de calculer de nouvelles valeurs locatives qui seront présentées dans un rapport remis au Parlement à l'automne. Ce qui "permettra de juger de l'opportunité de la mise en œuvre effective d'une réforme et, le cas échéant, si nécessaire, d'ajuster (ses) modalités", explique Bercy.

Des valeurs locatives obsolètes

Si le gouvernement a lancé ce chantier périlleux qui, s'il va à son terme, concernera tous les logements du territoire français, c'est parce les valeurs locatives cadastrales sont depuis longtemps obsolètes. En théorie, elles correspondent aux loyers que percevraient le propriétaire sur un an s'il mettait en location ce bien dans des conditions normales du marché. Or le mode de détermination de ces valeurs locatives, qui servent de base aux impôts locaux ( les élus appliquent des taux à ces bases ) est inchangé depuis le 1er janvier 1970, alors que dans certaines zones les loyers ont explosé depuis. Ces valeurs locatives ne reflètent donc plus du tout la réalité du marché du logement.

Par ailleurs, les valeurs locatives ont été pondérées en fonction des éléments de confort à l'intérieur des logements (baignoire, WC, eau courante, isolation, électricité...), de leur situation, de leur standing et de leur état d'entretien. Or, en 44 ans, la valorisation de tous ces indicateurs a beaucoup évolué. Il y a donc des ménages qui paient aujourd'hui peu de taxe foncière et/ou d'habitation, alors qu'ils vivent dans des logements bien équipés en mobilier moderne et situés dans des quartiers huppés. A l'inverse d'autres paient en comparaison beaucoup au regard du standing plus modeste de leur logement.

Les vieux logements des centres villes visés par des hausses d'impôts

Si une révision globale était mise en œuvre, il devrait donc y avoir des contribuables perdants et des contribuables gagnants. Les ménages qui risquent de subir les plus fortes hausses d'impôts sont ceux qui habitent dans des logements anciens construits avant 1970, situés plutôt dans les centres villes - où la valeur réelle des logements s'est le plus appréciée -, qui n'avaient à l'époque pas d'élément de confort spécifique, et qui n'ont pas été agrandis depuis (tout agrandissement donnant lieu à une actualisation de la valeur locative cadastrale). Leurs valeurs locatives tiennent compte de cet inconfort de 1970 devenu largement théorique. Car depuis, ces logements ont bien sûr été équipés et leurs propriétaires l'ont rarement signalé à l'administration.

En revanche concernant les logements construits depuis 1970, tous les éléments qui déterminent le calcul de la valeur locative cadastrale ont été actualisés. Ce sont donc bien les logements les plus anciens qui risquent de subir les plus fortes hausses. Et comme le confirme un rapport de la Caisse des dépôts : "ce sont les plus grandes villes françaises (plus de 25.000 ménages) et les communes rurales qui ont un patrimoine immobilier représentatif de villes « anciennes »".

La justice fiscale garantie ?

Une question demeure : une révision potentielle des valeurs locatives risque-t-elle de pénaliser un nombre important de ménages ? Oui au regard de l'attitude des précédents gouvernements socialistes qui ont depuis le début des années 1990 toujours renoncé à aller au bout d'une telle mesure, devant le risque de créer de bombe fiscale pour les classes moyennes.

Plus concrètement, s'il est difficile de mesurer précisément l'impact d'une révision complète car il faudrait pour ce faire prendre en compte tous les travaux d'agrandissement menés depuis 1970 ; il est intéressant de noter qu'en 2008, près de 19 millions de logements sur un parc total de près de 32 millions avaient été construits avant 1974, selon les statistiques du Commissariat général au développement durable. Depuis le parc français a augmenté de 2 millions de logements nets. Le nombre potentiel de ménages concernés par une réévaluation de leurs impôts fonciers est donc loin d'être négligeable.

Du reste, les élus affirment que le montant des recettes fiscales récoltées après la révision des valeurs locatives sera le même qu'avant. Ce qui amènera uniquement à une répartition différente de l'impôt dans les communes. Le principe de justice dans le système fiscal local devrait donc être garanti.