Faut-il craindre une pénurie de médicaments en France ?

Par Audrey Tonnelier  |   |  513  mots
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La Chine et l'Inde contrôlent 80 % de la production de principes actifs. Une dépendance qui pose la question de la qualité et de la disponibilité des traitements.

Y aura-t-il bientôt une pénurie de médicaments dans les pharmacies françaises ? L'idée semble saugrenue. Elle se fait pourtant progressivement jour parmi les professionnels de santé. « Au premier semestre 2011, l'Afssaps [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, NDLR] a lancé 31 bulletins d'alerte pour des ruptures de stocks de médicaments ou des risques de ruptures de stocks. Il n'y en avait eu que quatre sur la même période de 2010 et deux en 2009 », souligne David Simonnet, le président d'Axyntis, l'un des cinq derniers producteurs français de principes actifs - le « coeur » d'un médicament, qui lui confère ses propriétés thérapeutiques.

Pour l'heure, les difficultés concernent surtout des traitements hospitaliers peu connus du grand public, tels des produits de diagnostic (Technétium 99) ou des anticancéreux (Caryolysine). Mais à terme, la menace sur les officines est réelle. En cause, des problèmes de gestion des stocks de la part des labos, mais surtout la réduction et la concentration croissante des sources d'approvisionnement dans les pays émergents.

C'est le constat dressé par l'Académie nationale de pharmacie, qui a réuni récemment autorités de santé et industriels à ce sujet. « Aujourd'hui, 80 % des principes actifs de médicaments sont fabriqués en Chine et en Inde, contre à peine 20 % il y a trente ans », résume David Simonnet. Symbole de cette situation, le paracétamol, l'antidouleur le plus utilisé dans le monde, qui n'est plus produit en Europe depuis la fermeture de la dernière usine française de Rhodia en 2008.

Les génériques en question

Environ un millier de producteurs indiens et chinois se partagent ce secteur en plein essor. En 2009, sur un marché mondial évalué à 76 milliards de dollars, près de 60 % (45 milliards) étaient générés par des industriels, qui ne fabriquent que la matière active, les labos occidentaux ne prenant en charge que la « formulation » du médicament (transformation en gélule, en injectable...). « Ces délocalisations se font pour des raisons évidentes de coûts mais aussi sous la pression des pouvoirs publics qui, en promouvant l'utilisation des génériques depuis une quinzaine d'année, ont attiré les acteurs indiens et chinois sur ces marchés de volumes », accuse David Simonnet. « La Chine concentre à elle seule 40 à 50 % de la production de principes actifs génériques du marché européen », relève le président de l'Académie nationale de pharmacie, Henri-Philippe Husson. Avec à la clé un risque de dépendance accru vis-à-vis des pays producteurs, mais aussi des risques sur la qualité (lire ci-contre).

Il y a des exceptions : Sanofi produit encore la moitié de ses principes actifs en Europe. D'autres « relocalisent » une partie de leur production pour prévenir les risques. « De plus en plus de clients font appel à nous en back-up pour 30 % de leur production. Ils sont prêts à payer un surcoût (15 % environ) pour disposer d'un producteur national », indique David Simonnet. Une aubaine pour Axyntis, dont le chiffre d'affaires devrait bondir de 50 % cette année, à 75 millions d'euros.