La nouvelle modestie de Total sur ses méga-profits

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  595  mots
Copyright Reuters
Tenant d'atténuer la bronca qui entoure chaque année la publication de ses énormes bénéfices, Christophe de Margerie tient aujourd'hui un nouveau discours. Il souligne la modestie de ses résultats 2011 et dévoile la feuille d'imposition du groupe. Même s'il s'est efforcé de convaincre les investisseurs à Londres que Total allait mieux faire dans les années à venir.

Christophe de Margerie s'est essayé ce matin à la modestie, voire à l'auto-critique. « Total affiche une progression de 11% de son résultat net ajusté, à 11 milliards d'euros, c'est moins bien que la majorité de nos concurrents anglo-saxons », a lancé le PDG de Total en présentant ses résultats 2011. Les bénéfices de Exxon et Shell, dévoilés ces derniers jours, se sont de fait envolés respectivement de 35% (à 41 milliards de dollars) et 54% (31 milliards de dollars). Il demeure qu'il est rarissime d'entendre un PDG faire lui-même ces comparaisons !
L'explication n'a pas tardé. « C'est pas parce qu'on fait des pertes qu'on devient sympathique », s'est exclamé Christophe de Margerie. « Je ne comprends pas qu'afficher un bénéfice de 11 milliards puisse susciter l'ire de certains. Il faut qu'on explique que c'est bien et qu'il est même dommage qu'on n'en ait pas fait davantage ! », ajoute-t-il.
Christophe de Margerie était ce vendredi matin devant la presse très désireux de désamorcer la polémique qui ne manque pas de se déclencher chaque année lors de la publication de ses méga-bénéfices, alors que les Français peinent de plus en plus pour faire le plein de carburants. Polémique attisée ces dernières temps par les annonces concomitantes par le groupe de fermeture de site (la raffinerie de Dunkerque en 2010) ou de restructurations (550 suppressions de postes dans le raffinage en 2009).

300 millions d'euros de pertes dans le raffinage en France

Dans un louable souci de transparence, le patron de Total a même dévoilé le montant des impôts que paie son groupe en France : 1,2 milliard d'euros au titre de 2011 dont 300 millions d'euros d'impôts sur les bénéfices, le reste étant composé de taxes diverses. L'an dernier, Total avait suscité l'émotion en confirmant qu'il n'avait pas payé d'impôt sur les bénéfices, puisque le groupe avait réalisé environ 800 millions d'euros de pertes en France. Cette année, le groupe a également perdu de l'argent sur ses activités situées dans l'Hexagone (300 millions d'euros de pertes sur le seul raffinage) mais une confortable plus-value réalisée à l'occasion de la cession d'une filiale en Espagne le rend (modestement) imposable.
Christophe de Margerie a poursuivi sa démonstration en dénonçant les« fantasmes » des « superprofits » et des « profits insolents » de Total. Il a longuement détaillé le poids de la présence industrielle de son groupe en France : 35.000 personnes (38% des effectifs sur 170 sites), 7 milliards d'euros de salaires et charges (qu'il a comparé aux 5 milliards d'euros versés en dividendes aux actionnaires), 5 milliards d'euros d'achat aux fournisseurs français ...
Ces précautions oratoires n'auront pas empêché Jean-Luc Mélenchon d'appeler vendredi à la nationalisation du géant pétrolier, ni l'association de consommateurs UFC-Que Choisir de demander « une régulation du secteur pétrolier» en dénonçant : « Total investit dans l'extraction de la rente sur le consommateur ».
A Londres, s'exprimant en début d'après midi devant des investisseurs, Christophe de Margerie a préféré insister sur ses prévisions de prix du pétrole qu'il voit à 100 dollars le baril en 2012-2014. Et mettre en avant les actions du groupe qui lui permettront de mieux profiter de ce fort niveau de prix dans les années à venir. En 2008, Total avait engrangé un bénéfice (hors éléments exceptionnels) de 14 milliards d'euros avec un baril à 98 dollars. En 2011, ce même « bénéfice net ajusté » s'établit à 11,4 milliards d'euros avec pourtant un baril à un niveau record historique de 111 dollars en moyenne sur l'année.