L'Argentine fait chuter Repsol en bourse

Par Par Jean-Louis Buchet, à Buenos Aires  |   |  529  mots
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L'expropriation de YPF, la filiale pétrolière du groupe Repsol, fait chuter le titre de plus de 8% à la Bourse de Madrid. Le groupe espagnol perd son plus beau fleuron.

Le bras-de-fer engagé depuis plusieurs semaines par la présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner avec Repsol a débouché, ainsi qu'il était prévisible, sur la prise de contrôle de la filiale locale de ce dernier, YPF, détenue à 57 % par le groupe espagnol. Selon le projet de loi présenté par la chef de l'État le 16 avril, qui déclare "d'intérêt public national" la production d'hydrocarbures, 51 % des actions d'YPF seront expropriées. Un organisme d'État déterminera le prix d'achat des titres. En attendant le vote de la loi, qui devrait être approuvée par une large majorité, le ministre de la Planification Julio De Vido a été nommé à la tête de l'entreprise par décret.

De manière prévisible, l'action Repsol à la Bourse de Madrid a chuté drastiquement, ce mardi matin, de plus de 8%. A l'ouverture, l'action Repsol YPF perdait 8,21% à 16,045 euros, reflétant les inquiétudes des investisseurs après l'annonce de cette mesure dénoncée comme "illégale" par Repsol.

Pas une étatisation

La présidente a justifié la mesure par le déclin de la production (YPF représente près de 40 % du pétrole et du gaz extrait dans le pays), imputable selon elle au manque d'investissements de Repsol, qui a conduit l'Argentine, naguère exportateur net d'hydrocarbures, à devoir payer une facture pétrolière de près de 10 milliards de dollars en 2011. Elle a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une étatisation, 49 % du capital d'YPF devant demeurer dans le privé (actuellement, aux côtés de Repsol, le groupe local Petersen détient 25,4 % de la société, le solde étant sur le marché), à l'image de ce qu'a fait le Brésil avec Petrobras.

Pour l'Argentine, c'est une renationalisation, YPF, alors compagnie publique, ayant été privatisée au profit de Repsol dans les années 90. Pour le pétrolier espagnol, qui avait acquis une dimension internationale avec cette opération, c'est un coup au c?ur : il perd une filiale qui représente un tiers de ses bénéfices et une part plus importante encore de ses réserves internationales. On comprend dès lors les violentes réactions du gouvernement de Mariano Rajoy, qui a menacé le pays sud-américain de représailles et demande le soutien de l'Union européenne.

Chute des actions d'YPF

Un retour en arrière étant toutefois exclu à Buenos Aires, les prochaines batailles seront juridiques. Repsol s'adressera sans doute au CIRDI (Centre de règlement des différends sur les investissements), tribunal d'arbitrage de la Banque mondiale où les plaintes contre l'Argentine s'accumulent depuis le blocage des tarifs des services publics concédés à des entreprises internationales décidé par le gouvernement après la dévaluation de fin 2001. Est également à prévoir un désaccord sur le prix de cession des actions d'YPF, qui ont chuté de 40 % depuis le début de cette crise. Une dégradation des relations économiques bilatérales semble inéluctable, mais l'Espagne devra néanmoins tenir compte des intérêts de ses entreprises installées en Argentine, notamment dans les télécoms (Telefónica) et la banque (Santander et BBVA).