Crainte d'un black-out électrique en Belgique après la prolongation de l'arrêt de Doel 3

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  818  mots
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L'arrêt du réacteur belge de Doel 3, dont la cuve présente des indices de fissures, est officiellement prolongé jusqu'à fin septembre. En fait, il risque de ne jamais redémarrer, ainsi qu'un autre réacteur belge, ce qui redouble les inquiétudes sur l'approvisionnement électrique en Belgique.

L'arrêt du réacteur numéro 3 de la centrale nucléaire de Doel, dans le nord de la Belgique, près d'Anvers, a été prolongé d'un mois, jusqu'à la fin septembre, afin de permettre les analyses sur les "potentielles fissures" de sa cuve, a annoncé mardi l'électricien Electrabel (GDF Suez). L'autre réacteur belge équipé d'une cuve provenant du même fournisseur, Tihange 2, près de Liège, sera arrêté à partir du 17 août et ne devrait pas redémarrer avant le 2 octobre, selon Electrabel, afin de subir les mêmes contrôles approfondis.

En fait, les chances sont minces de voir ces réacteurs redémarrer un jour ainsi que l'a souligné la semaine dernière le directeur de l'Agence fédérale belge de contrôle nucléaire (AFCN) Willy De Roovere. Il s'est vendredi déclaré "sceptique" quant à la possibilité de relancer Doel 3. Des contrôles renforcés ont détecté en juillet des indices de fissures sur la cuve de ce réacteur qui fonctionne depuis près de trente ans. Or, il est quasi impossible de réparer ou de remplacer la cuve d'une centrale nucléaire.

Tensions attendues en cas d'hiver rigoureux
Ces découvertes relancent les inquiétudes sur les risques de black-out électrique en Belgique. Le pays a connu, durant l'hiver 2011, un niveau de charge (consommation) maximale d'un peu plus de 13.800 MW pour une capacité maximale de production installée de 15.400 MW. Sachant que la capacité des réacteurs de Tihange 2 et Doel 3 est de 1.000 MW pour chacun, la mise à l'arrêt de l'un des deux, voire des deux, pourrait mettre la Belgique dans une situation de pénurie d'approvisionnement, en cas d'hiver très rigoureux, affirme l'agence de presse Belga, en s'appuyant sur des déclarations du gestionnaire du réseau électrique belge Elia.

"La capacité maximale d'importation d'électricité depuis l'étranger est de 3.500 MW", explique-t-on chez Elia. Si l'hiver prochain devait être rigoureux et prolongé, et que les pays voisins ne pouvaient pas exporter leur électricité, la Belgique ferait alors face à un problème d'approvisionnement. "On ne peut donc se passer de la capacité apportée par les centrales de Doel 3 ou de Tihange 2, même durant un hiver assez doux. Et ce problème sera encore accentué en 2015 lorsque les centrales nucléaires de Doel 1 et 2 seront mises à l'arrêt et que l'on perdra près de 900 MW supplémentaires", souligne Elia.

La Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz (Creg) plaide, elle, pour une réduction de la demande d'électricité, pour davantage d'investissements dans les capacités de production et pour le prolongement de la vie des centrales électriques existantes, dont les centrales nucléaires. Le débat est d'autant plus vif qu'il ne date pas de cet été en Belgique. Début mai, un rapport intermédiaire du secrétaire d'Etat à l'énergie Melchior Wathelet, dévoilé par la presse belge, créait la sensation en soulignant des risques de black-out électrique.

Des risques de pénurie évoqués dès mai dans un rapport
La Belgique pourrait connaître une pénurie en électricité dès 2014, affirmait ce rapport, avant même la fermeture des premiers réacteurs, envisagée en 2015, dans le cadre de la sortie du nucléaire décidée par le pays. Le manque de capacités oscillerait entre 800 et 2.000 mégawatts - sur une production totale de près de 16.000 mégawatts - en cas de fermeture de trois centrales électriques au gaz, fermetures d'ores et déjà envisagées.
Le déficit pourrait grimper à près de 4.000 mégawatts après 2015 en cas d'application de la loi de sortie du nucléaire, estimaient les experts de l'administration de l'énergie. Précision : ce rapport ne prenait en compte que les productions certaines, excluant le solaire et l'éolien, et tablait sur une absence d'importations d'électricité. En amputant tout de suite de 2.000 MW le parc belge, les défauts découverts sur les cuves de Tihange 2 et Doel 3 posent le problème dès cet hiver.

Les autorités de sûreté nucléaire des autres pays européens concernés par ces risques de fissures sur des cuves se réunissent le 16 août à Bruxelles sur ce sujet. Le fabricant néerlandais soupçonné d'avoir livré des cuves présentant des défauts de fabrication aurait en effet équipé une vingtaine d'autres réacteurs dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis et l'autre en Europe (Espagne, Suisse, Suède, Pays Bas). L'Allemagne, un temps évoquée, a démenti. La France n'est pas touchée puisque les cuves des 58 réacteurs hexagonaux ont été fabriquées à Chalon sur Saône par Creusot Loire, intégré dorénavant dans Areva. Et qu'elles ont été contrôlées dès leur fabrication, souligne l'Agence de sûreté nucléaire française.