Et si le baril de pétrole tombait à 50 dollars en 2015 ?

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  586  mots
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C'est en tout cas l'hypothèse avancée par l'analyste Alphavalue qui affirme que la chute des prix du gaz américains, due au gaz de schiste, va entrainer, par effet domino, une division par deux du prix du baril. Tour d'horizon des conséquences.

Cabinet d?analyse indépendant, Alphavalue adore phosphorer sur les hypothèses «contrariantes», par exemple prévoir un prix de baril divisé par deux d?ici à 2015 quand tout le monde table sur un pétrole cher, voire très cher, dans les années à venir. Ce scénario du baril à 50 dollars n?est pas pour autant un pur jeu intellectuel. Le cabinet affirme que l?effondrement des prix du gaz américains, qui sont tombés entre 2 et 3 dollars l?unité de mesure (contre 11 à 12 dollars en Europe et 17 dollars en Asie) va, par effet de contagion, faire plonger le baril de pétrole sur la planète entière.

Le charbon va transmettre au monde la chute du prix du gaz américain
«La courroie de transmission entre le gaz de schiste américain et le pétrole mondial, c?est le charbon, puisque que le gaz américain ne se transporte pas, ne s?exporte pas», affirme Alexandre Andlauer, analyste pétrole et gaz chez Alphavalue. En avril 2012, pour la première fois outre-Atlantique, le gaz a fait jeu égal avec le charbon dans la production d?électricité. Bilan: les prix du charbon chutent dans le monde, relançant la compétitivité de cette source d?énergie face au gaz naturel? non américain et aux produits pétroliers. Ce qui entraînerait, selon Alphavalue, une diminution de l?indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole. Ce mouvement est déjà enclenché en Europe, selon eux, comme en témoignent les baisses de prix de gaz consentis récemment par Gazprom à E.ON dans les contrats long terme.

Phénomène de contagion
De fil en aiguille, Alphavalue prédit un phénomène de contagion: des prix du gaz qui baissent sur les marchés spots, ce qui entraine une substitution du gaz avec le pétrole dans ses usages industriels et dans le transport, et au final une chute du prix du baril à 50 dollars à horizon 2015.
Un tel scénario entraînerait une hausse de 46 milliards d?euros des bénéfices des entreprises mondiales en 2015, selon les calculs d?Alphavalue. Les gains des secteurs qui en bénéficieraient ?au premier rang desquels les producteurs d?électricité (17 milliards), métaux et mines (9,5 milliards) et chimie (9,5 milliards)- dépassant les pertes du grand perdant, le secteur pétrolier (-24 milliards d?euros).

Une hausse de 0,5% de la croissance des pays consommateurs
Examinant les effets macro-économiques mondiaux d?un tel scenario, les analystes d?Alphavalue ne tombent pas dans l?euphorie. Si le prix du pétrole était divisé par deux d?ici à 2015, cela entrainerait une hausse de 0,5% de la croissance dans les pays consommateurs, ce qui laisserait un gain de 0,2 ou 0,3% pour la croissance mondiale, calculent-ils. Et encore cette hypothèse est-elle optimiste ! «Contrairement à ce que la plupart des macroéconomistes prédisent dans un tel cas, nous ne tablons pas sur un jeu à somme nulle entre les gains des pays consommateurs et les diminutions de revenus des pays producteurs», déclare Philippe Brossard, économiste chez AG2R La Mondiale.
Et cet effet, pas totalement foudroyant, serait en outre de courte durée. «Au bout de 5 à 6 ans, les pays consommateurs pâtiraient d?une moindre compétitivité dans leurs échanges. En clair et en simplifiant, le Japon, par exemple, se mettrait à augmenter ses achats en volume d?un pétrole pas cher, mais aurait de plus en plus de mal à vendre aux Saoudiens ses appareils photos», explique l?économiste.