Les antibiotiques polluent désormais les rivières du monde entier

Par AFP  |   |  597  mots
(Crédits : Pixabay)
Quatorze antibiotiques ont été retrouvés dans les rivières de 72 pays, d'après une étude britannique inédite révélée lundi 27 mai. Les concentrations d'antibiotiques trouvés dépassent jusqu'à 300 fois les niveaux "acceptables". Un risque majeur puisque ce phénomène accentue le phénomène de résistance aux antibiotiques qui deviennent moins efficaces pour traiter certains symptômes.

Aucune n'est épargnée. Une étude présentée lundi 27 mai révèle que, de l'Europe à l'Asie en passant par l'Afrique, les concentrations d'antibiotiques relevées dans certaines rivières du monde dépassent largement les niveaux acceptables. La nouveauté de cette étude résulte du fait qu'il s'agit désormais d'un "problème mondial"  car si, autrefois, les niveaux tolérés étaient le plus souvent dépassés en Asie et en Afrique - les sites les plus problématiques se trouvent au Bangladesh, Kenya, Ghana, Pakistan et Nigeria - l'Europe et l'Amérique ne sont plus en reste, note le communiqué de l'équipe de chercheurs de l'université britannique de York responsable de l'étude.

Les scientifiques ont ainsi analysé des prélèvements effectués sur 711 sites dans 72 pays sur six continents et ont détecté au moins un des 14 antibiotiques recherchés dans 65% des échantillons. Les chercheurs, qui présentaient leurs recherches lundi à un congrès à Helsinki, ont comparé ces prélèvements aux niveaux acceptables établis par le groupement d'industries pharmaceutiques AMR Industry Alliance, qui varient selon la substance.

Résultat, le métronidazole, utilisé contre les infections de la peau et de la bouche, est l'antibiotique qui dépasse le plus ce niveau acceptable, avec des concentrations allant jusqu'à 300 fois ce seuil sur un site au Bangladesh. Le niveau est également dépassé dans la Tamise. La ciprofloxacine est de son côté la substance qui dépasse le plus souvent le seuil de sûreté acceptable (sur 51 sites), tandis que le triméthoprime, utilisé dans le traitement des infections urinaires, est le plus fréquemment retrouvé.

L'antibiorésistance, un phénomène devenu globale

"Jusqu'à aujourd'hui, le travail sur les antibiotiques a été majoritairement fait en Europe, en Amérique du Nord et en Chine. Souvent sur seulement une poignée d'antibiotiques", a commenté le Dr John Wilkinson. Découverts dans les années 1920, les antibiotiques ont sauvé des dizaines de millions de vies en luttant efficacement contre des maladies bactériologiques comme la pneumonie, la tuberculose et la méningite. Mais au fil des décennies, les bactéries se sont modifiées pour résister à ces médicaments, au point que l'Organisation mondiale de la santé a averti que le monde allait manquer d'antibiotiques efficaces.

Les bactéries peuvent devenir résistantes quand les patients utilisent des antibiotiques dont ils n'ont pas besoin, ou bien ne terminent pas leur traitement, donnant ainsi à la bactérie une chance de survivre et de développer une immunité. Par ailleurs,"de nouveaux scientifiques et dirigeants reconnaissent désormais le rôle de l'environnement dans le problème de la résistance aux antibiotiques. Nos données montrent que la contamination des rivières pourrait y contribuer de façon importante", a insisté un autre auteur, Alistair Boxall, évoquant des résultats "inquiétants".

De fait, ponctuelles au départ, ces résistances sont devenues massives et préoccupantes. Certaines souches bactériennes sont devenues multirésistantes, c'est-à-dire résistantes à plusieurs antibiotiques. D'autres sont même devenues toto-résistantes : résistantes à quasiment tous les antibiotiques disponibles. Ce phénomène en augmentation constante place les médecins dans une impasse thérapeutique : ils ne disposent plus d'aucune solution pour lutter contre l'infection."Résoudre le problème est un défi monumental et va nécessiter des investissements dans les infrastructures de gestion des déchets et des eaux usées, des règles plus strictes et un nettoyage des sites déjà contaminés", prévient  Alistair Boxall.