Journée de solidarité : tout savoir sur cette journée qui rapporte près de 3 milliards d'euros par an à l'Etat ?

Par Isaure Défossé  |   |  1299  mots
Tous les ans, la journée de solidarité permet de financer des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées.
Le lundi 29 mai, lundi de Pentecôte, se déroulera la Journée de Solidarité. Cette journée de travail non-rémunéré a vocation à financer des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. A quoi sert cette journée dans le détail ? La Tribune fait le point.

Grasse matinée ou lever aux aurores ? C'est la question que se posent de nombreux salariés en contemplant, sur leur calendrier, la date de 29 mai, marquant le lundi de Pentecôte, et surtout traditionnelle journée de Solidarité. Cette journée de travail supplémentaire, non rémunéré pour le salarié est destinée au financement de la dépendance. Quelle est l'origine de cette journée ? Le salarié est-il contraint de travailler ce jour-là ? Combien rapporte-t-elle à l'Etat ? Explications.

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Quelle est l'origine de la journée de solidarité ?

C'est en 2004 que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à la demande du président de la République, Jacques Chirac, met en place cette journée de travail gratuit et obligatoire pour tous les salariés et les employeurs. Elle est instaurée via la loi du 30 juin 2004. L'objectif est alors de financer des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées, notamment la prévention des risques liés à la canicule. Et pour cause, cette mesure intervient quelques mois après la canicule de 2003, responsable de la mort de près de 15.000 personnes.

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L'entrée en vigueur de la journée de solidarité est loin de faire l'unanimité pour autant. Le lundi 16 mai 2005, lundi de Pentecôte et première journée de solidarité, de nombreux travailleurs se mettent en grève. Du côté des syndicats, plusieurs organisations représentatives se montrent défavorables à cette journée, dénonçant du « travail gratuit » de la part des salariés. La CFTC, notamment, juge la mesure « arbitraire et insuffisante », les salariés ne pouvant être les seuls à financer la dépendance.

En 2011, le Conseil constitutionnel est ainsi saisi par le Conseil d'État et par la Cour de cassation suite à deux questions prioritaires de constitutionnalité, dont l'une posée par Thierry Jeanne et la CFDT du Maine-et-Loire. Ils estimaient, en effet, que l'égalité face au paiement de l'impôt n'est pas respectée : ils en tiennent pour preuve le fait que les retraités, les professions indépendantes et les professions libérales ne sont pas soumis à la journée de solidarité.

Selon la décision rendue en juillet de la même année, les Sages considèrent, eux, que la journée de solidarité ne va à l'encontre d'aucun principe constitutionnel. Ils déclarent ainsi que « l'instauration d'une journée de solidarité en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

Jour férié, jour chômé ou jour de congé ?

Lors de sa création, la date de la journée de solidarité est fixée au lundi de Pentecôte. En 2008, le gouvernement a finalement redonné l'« entière liberté » aux partenaires sociaux au sein de l'entreprise, ou à défaut, au niveau de chaque branche, pour fixer les modalités d'application « les plus adaptées aux besoins de l'entreprise ». Libre donc à chaque d'entreprise d'effectuer cette journée à une autre date que celle du lundi de Pentecôte.

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Elle peut donc se tenir n'importe quel jour non-travaillé : soit un samedi, soit un jour férié. Il faut, en effet, faire la différence entre jour férié et jour chômé. Les jours fériés sont des jours qui commémorent des événements. En France, 11 jours fériés sont répertoriés : jour de l'An, lundi de Pâques, fête du travail, Victoire 1945, Ascension, Pentecôte, fête nationale, Assomption, Toussaint, armistice de 1918, jour de Noël. Seul le 1er mai, jour de la fête du travail, est un jour férié obligatoirement chômé, c'est-à-dire au cours duquel les salariés ne travaillent pas. Les employés peuvent donc être amenés à travailler pendant un jour férié (hors 1er mai) sans majoration de salaire. Et inversement, si un salarié ne vient pas travailler pendant un jour férié, son employeur n'est pas tenu de le payer.

Ainsi, si dans une entreprise la journée de solidarité est fixée à un jour férié (comme le lundi de Pentecôte), les employés sont tenus de venir travailler. Ils peuvent néanmoins choisir de poser une RTT (réduction du temps de travail) ou un congé payé lors de cette journée, l'employeur étant libre d'accepter ou non, la demande. Ce dernier peut également décider d'« offrir » cette journée à ces employés est la prendre à sa charge.

Enfin, cette journée peut prendre plusieurs formes. Elle peut être fractionnée en heures et donc étalée sur plusieurs jours ou être réalisée au cours d'une journée de 7 heures.

Qui travaille le jour de la journée de solidarité ?

Tous les salariés et employeurs sont concernés par cette journée. Toutefois, il existe des exceptions pour certains employés. Les intérimaires et les alternants doivent, au même titre que les autres salariés, effectuer la journée de solidarité. En revanche, les intérimaires sont rémunérés normalement pour les heures de travail effectuées ce jour-là, tandis que les alternants ne le sont pas.

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Les stagiaires eux, ne sont pas tenus d'effectuer cette journée de solidarité, sauf si cela est expressément mentionné dans la convention de stage. En effet, le stagiaire ne fait pas partie des effectifs de l'entreprise. A ce titre, il n'est pas soumis au droit commun du Code du travail s'appliquant aux salariés.

Pour les salariés à temps partiel, la limite de 7 heures est réduite proportionnellement à la durée de travail prévue par leur contrat de travail. Quant aux salariés mineurs, ils ne sont pas concernés par cette journée de solidarité si elle est fixée à un jour férié.

Combien la journée de solidarité rapporte-t-elle à l'Etat ?

L'employeur verse 0,3% de leur masse salariale brute à titre de cotisation à l'URSAFF. Ce montant, qui représente le surcroît de valeur ajoutée produite par le salarié au cours de cette journée de travail supplémentaire, est ensuite reversé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

D'après la Caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, 2,907 milliards d'euros ont été récoltés grâce à la journée de solidarité en 2021, dont 2,124 milliards d'euros au titre de la contribution des salariés versée par les entreprises, auxquels s'ajoutent 783 millions d'euros venant des pensions de retraite diminuées de 0,3% au titre de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). En effet, les retraités et préretraités imposables sont aussi concernés par cet effort de solidarité annuel depuis 2013. La CASA est prélevée sur les retraites, les pensions d'invalidité et les allocations de pré-retraites.

Toujours selon la CNSA, la CSA a rapporté 37 milliards d'euros au bénéfice des personnes âgées et des personnes handicapées entre 2004 et 2020. En 2004, le montant de cette contribution s'élevait à 1,95 milliard d'euros tandis qu'en 2022, la CNSA prévoyait de collecter environ 3 milliards d'euros. Quant à la CASA, elle a permis de récolter 5,7 milliards d'euros depuis sa création en 2013.

Cet argent est ensuite majoritairement investi dans le financement des établissements spécialisés comme les maisons de retraite et les instituts pour personnes handicapées, ou dédié à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui permet la prise en charge des personnes âgées.