
Emmanuel Macron veut vite tourner la page des retraites, et faire oublier les longs mois de conflits qui ont fracturé le pays. Mais, alors que les syndicats ont déjà prévu d'organiser une nouvelle manifestation le 6 juin prochain, dès le lendemain, le 7, l'exécutif présentera en conseil des ministres le projet de loi qui vise à créer un service unique de l'emploi. Avec au cœur de ce futur texte, la naissance d'un nouveau service public : France Travail.
Un guichet unique de l'emploi
Ce nouvel organisme doit regrouper tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion, mais aussi de la formation : Pôle emploi - et ses 55 000 agents sur tout le territoire - ainsi que les missions locales, Cap emploi, les services des départements qui gèrent le RSA.. etc.
Son objectif : répondre aux besoins d'insertion des demandeurs d'emploi ou des personnes qui ont des difficultés à entrer sur le marché du travail. Une des missions de France Travail sera aussi d'accompagner et d'aider les entreprises qui ont des offres d'emploi à proposer. Aujourd'hui, de nombreuses TPE et PME n'ayant pas le réflexe de s'adresser à Pôle emploi lorsqu'elles ont un recrutement à effectuer.
Le projet de loi fixe la création de France Travail, le 1er janvier 2024, mais prévoit un an de mise en place progressive avant que le nouvel organisme ne soit pleinement opérationnel. Plusieurs expérimentations ont déjà été lancées dans différents départements.
L'objectif est que, dès 2024, toute personne privée d'emploi devra être inscrite à France Travail. Ainsi, sera établi un diagnostic de sa situation au regard de l'emploi - en fonction de son parcours, de sa qualification, etc. - mais aussi de ses difficultés, des freins qui peuvent être les siens à s'insérer - problèmes de santé, de mobilité, de formation, garde d'enfants... France Travail devrait alors lui permettre d'être mieux ( et plus rapidement ) orientée vers les services adéquats.
Pour ce faire, la connexion des systèmes informatiques, et le partage des données entre toutes les structures sont prévus. Un chantier complexe.
Un chef d'orchestre, Thibault Guilluy
Depuis plus d'un an, Thibault Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, planche sur ce dossier. Cet ancien responsable d'associations, encarté à « En marche », fut suppléant de Tiphaine Aussière, la fille de Brigitte Macron, aux dernières élections législatives, dans la circonscription du Touquet. Elle a finalement été battue par le député LR sortant Daniel Fasquelle.
Thibaut Guilluy s'est alors vu confier une mission de concertation et de préfiguration dans le cadre de France Travail. À charge pour lui de réfléchir à la mise en œuvre concrète de la promesse présidentielle, de créer ce nouvel organisme. Depuis plusieurs mois, Thibault Guilluy consulte les différents organismes, mais aussi les partenaires sociaux, pour les associer à la réflexion. Le 18 avril dernier, il a remis à l'exécutif un rapport de préfiguration à la loi.
Il est d'ailleurs largement pressenti pour prendre la tête de ce nouvel organisme et succéder ainsi à Jean Bassere, l'actuel patron de Pôle emploi ( qui sera donc absorbé à terme par France Travail ). Si Thibault Guilluy dément toute nomination prochaine, d'abord nos informations, celle-ci devrait intervenir rapidement.
Un projet loin de faire consensus
Reste que la partie n'est pas gagnée. Les syndicats s'inquiètent de la mise en place d'une nouvelle usine à gaz, peu opérationnelle. Thibault Guilluy se défend : « Je suis un entrepreneur, un opérationnel. Pas un technocrate. Les choses vont se mettre en place à partir du terrain, avec une approche pragmatique. Nous allons au contraire gagner en efficacité ... »
Par ailleurs, le gouvernement a beau mettre en avant la longue concertation qui s'est tenue en amont de la création de France Travail, le contenu du projet de loi est loin de faire consensus. Et pour cause, la partie concernant la mise en place d'un nouveau système de sanctions pour les allocataires du RSA qui ne respecteraient pas leurs obligations met les syndicats en émoi. L'inscription automatique des bénéficiaires du RSA à France Travail, - ce qui signifiera, l'obligation pour eux de réaliser des actes de recherche d'emploi - suscite une levée de boucliers de la part de toutes les centrales syndicales. Pour eux, cette menace de sanctions est injuste et contre-productive. Le gouvernement se défend, en plaidant pour un meilleur suivi des allocataires. Aujourd'hui, à peine 40 % d'entre eux sont inscrits à Pôle emploi.
Plus largement, toute personne inscrite à France Travail devra respecter un contrat d'engagement, qui précisera les droits et devoirs du demandeur d'emploi, ainsi que les voies et délais de recours en cas de sanctions. Ce contrat d'engagement remplacera l'actuel projet personnalisé d'accès à l'emploi qui fixe les critères de l'emploi recherché. De leur côté, les syndicats dénoncent un nouveau durcissement des règles des demandeurs d'emploi. Ils n'ont d'ailleurs pas manqué de le faire savoir à Elisabeth Borne qui les a reçus la semaine dernière.
Le gouvernement prévoit un débat à l'Assemblée autour de ce texte en juillet pour une adoption définitive à l'automne.