Les moyens de paiement, grande cause nationale

Par Christine Lejoux  |   |  889  mots
« Je souhaite que l’on puisse utiliser la carte bancaire dès le premier euro », a insisté le ministre des Finances, lors de sa visite au siège de Lydia.
Michel Sapin, le ministre des Finances, a lancé la stratégie nationale pour les moyens de paiement, ce jeudi 15 octobre.

Scène inhabituelle, ce jeudi 15 octobre, dans le quartier du Sentier à Paris, plus habitué au brouhaha des camions de livraison des grossistes en vêtements qu'au ballet des berlines ministérielles : le ministre des Finances en personne, Michel Sapin, s'est invité au troisième étage du 137 de la rue d'Aboukir, où siège la startup Lydia. Durant trois quarts d'heure, Cyril Chiche, co-fondateur et patron de cette fintech spécialisée dans le paiement mobile, a expliqué par le menu son activité à Michel Sapin. Créée en 2011 et opérationnelle depuis juillet 2013, cette jeune pousse a développé une application mobile qui permet en théorie de tout payer, à tout moment, à tout le monde. Opérationnelle depuis juillet 2013, l'application compte aujourd'hui 160.000 utilisateurs particuliers en France et est disponible chez 4.500 commerçants. C'est dire si cette visite du ministre des Finances chez Lydia symbolise la volonté du gouvernement de moderniser les moyens de paiement.

Une heure plus tôt, en ouverture d'une conférence sur les moyens de paiement organisée par le magazine LSA, Michel Sapin avait en effet rappelé combien « les attentes des consommateurs (avaient) fondamentalement évolué avec le développement du numérique », poussant ces derniers à exiger « des moyens de paiement qui leur facilitent la vie. » D'où la nécessité, selon le ministre des Finances, de développer des moyens de paiement « plus rapides, pratiques et sûrs. » Cette volonté de modernisation  s'est concrétisée, ce jeudi, par le lancement d'une stratégie nationale des moyens de paiement, dont Michel Sapin avait esquissé les contours lors des Assises des moyens de paiement, le 2 juin.

Une carte bancaire moins onéreuse pour les commerçants

Le premier objectif de cette stratégie, qui se déroulera sur les cinq prochaines années, consiste à mieux répondre aux besoins des utilisateurs. Et, donc, à leur permettre notamment d'utiliser davantage la carte bancaire, le moyen de paiement préféré de 71% des Français interrogés par l'institut CSA, dans le cadre d'un sondage réalisé au mois de mai. Or, qui ne s'est jamais heurté chez son boulanger ou son pharmacien à un écriteau prévenant que « la carte bancaire n'est pas acceptée pour les paiements inférieurs à 10 euros ? » Des mises en garde que Michel Sapin aimerait voir disparaitre « d'ici à Noël. » « Je souhaite que l'on puisse utiliser la carte bancaire dès le premier euro », a insisté le ministre, lors de sa visite au siège de Lydia.

A la décharge des commerçants, les paiements par carte de petits montants s'avèrent particulièrement onéreux, en raison des commissions que les banques leur prélèvent. Il y a quelques mois, Michel Sapin avait donc demandé aux banques de diviser au moins par deux la commission minimale supportée directement par les commerçants sur les transactions bancaires, quand bien sûr cette commission existe. « Les négociations sont en cours entre les banques et les commerçants, je les suis attentivement, afin d'aider à la qualité du dialogue », a indiqué Michel Sapin, un brin ironique. Parallèlement, à partir du 9 décembre, la commission interbancaire de paiement (CIP) - que les banques se facturent entre elles lors des transactions par carte, et qui est souvent répercutée sur les commerçants - sera abaissée de près de 18%, en moyenne. Et la partie fixe de cette CIP sera supprimée.

Une industrie qui représente 6 à 7 milliards d'euros de valeur ajoutée

Outre la généralisation de l'utilisation de la carte bancaire dès le premier euro, Bercy entend favoriser le développement du paiement sans contact, par carte et par mobile. Aussi la totalité des terminaux de paiement électronique utilisés par les commerçants devront-ils être équipés de la fonction sans contact, d'ici au 1er janvier 2020. Mais cet objectif se heurte, entre autres, au comportement contradictoire des Français, qui souhaitent des moyens de paiement plus simples et plus rapides, tout en redoutant qu'ils ne soient pas assez sûrs. Ainsi, les trois quarts des personnes interrogées par l'institut CSA considèrent que le paiement sans contact les expose davantage au risque de fraude. C'est pourquoi le deuxième axe de la stratégie nationale des moyens de paiement portera sur la sécurité des moyens de paiement, le gouvernement s'engageant notamment à soutenir le développement de solutions d'authentification renforcée.

Plus largement, c'est le développement de toute l'industrie française des paiements que le gouvernement souhaite accompagner. En réfléchissant, par exemple, à la création d'incubateurs, afin d'aider à l'éclosion des champions de demain dans le secteur. Mais également en incitant grands groupes et startups à poursuivre des stratégies d'open innovation. Si le gouvernement porte autant d'intérêt à la compétitivité de la filière française des paiements, c'est parce que celle-ci emploie pas moins de 90.000 personnes dans l'Hexagone, et représente 6 à 7 milliards d'euros de valeur ajoutée. Or, dans le domaine des paiements, « la concurrence s'exerce au niveau international », rappelle Bercy. D'où, quatrième et dernier axe de la stratégie nationale des moyens de paiement, la création d'un comité national des paiements. Animé par la Banque de France, il devra identifier tout nouveau sujet susceptible de nécessiter une mise en commun des forces des différents acteurs de l'industrie des paiements.