La Corée du Sud défie Alstom en lançant un nouveau TGV

Par Fredéric Ojardias (à Séoul)  |   |  694  mots
Mi-mai débutent les premiers essais sur rail d'un nouveau prototype sud-coréen de train à très grande vitesse (430 km/h) dont l'entrée en service commerciale est prévue à l'horizon 2017. Un concurrent pour Alstom et Siemens sur les grands appels d'offres internationaux.

Un prototype de la prochaine génération des trains sud-coréens à grande vitesse va bientôt sillonner la campagne du Pays du Matin calme. Baptisé HEMU-400X, l?engin a été conçu pour atteindre la vitesse maximale de 430 km/h. « La vitesse commerciale sera de l?ordre de 370 km/h », précise au Cho Hyung-jun, représentant pour la division "Technologie et sûreté ferroviaires" au ministère des Transports.

Une vitesse qui fera du « bullet train » sud-coréen un rival direct de l?AGV d?Alstom. L?HEMU-400X utilise une technologie similaire à celle de son concurrent français : au lieu de motrices placées aux extrémités du train, la motorisation est répartie tout le long de la rame. « L?exploitation commerciale sera possible à partir de 2017 », estime Cho Hyung-jun. Son constructeur est Hyundai Rotem.

Alstom a contribué à donner naissance aux TGV coréens

Ironie : l?industriel sud-coréen a fait ses premières armes dans le ferroviaire à grande vitesse en fabricant? 34 rames du TGV français. En 1994, Alstom a en effet vendu 46 rames de son TGV Réseau à la Corée et avait consenti d'importants transferts de technologie pour l?emporter. Envoi dans les usines françaises d'un millier d'ingénieurs et de techniciens coréens; supervisation de la fabrication des rames en Corée par 400 ingénieurs français; transfert à Hyundai Rotem de 350 000 pages de documentation, gammes de montages et dessins techniques ...et  la première ligne du TGV coréen, rebaptisé KTX, a pu ouvrir en 2004. Pour Alstom, ce transfert était justifié par le fait que le TGV Réseau était une technologie déjà ancienne : le constructeur français a considéré qu?il possédait plusieurs longueurs d?avance. Mais en parallèle, dès 1996, Hyundai Rotem démarrait le développement de sa propre version du train. Ce sera le KTX-II, dont le service commercial a débuté dès 2010.

La Corée du Sud vise les grands appels d'offres internationaux

C?est la méthode coréenne éprouvée du « grignotage » : pièces et composants d?origine sont peu à peu remplacés par des éléments développés localement. Une recette qui a fait merveille dans des secteurs tels que les semi-conducteurs, l?automobile, ou le nucléaire. Le développement de l?HEMU-400X - troisième génération des KTX - est une nouvelle étape dans ce processus de « coréanisation » des technologies ferroviaires. « L?objectif est clairement l?exportation et les marchés étrangers », assure Francisco Song, consultant indépendant basé à Séoul et spécialiste du ferroviaire. « La Corée du Sud vise les grands appels d?offres internationaux, tels que le Brésil ou la Californie. »

Le gouvernement sud-coréen, dont la politique industrielle soutient les entreprises fortement exportatrices, s?est résolument impliqué dans le projet. Il aide Hyundai Rotem en finançant le développement de l?HEMU-400X par l?intermédiaire de ses instituts de recherche publics.

Une offre entre celle des Chinois et des Européens

Le futur train coréen à très grande vitesse sera-t-il compétitif ? « Son avantage sera probablement son prix », estime Ludovic Barou, expert ferroviaire pour le cabinet Jitex à Tokyo. En termes de rapport qualité-prix, l?offre sud-coréenne devrait ainsi se situer à mi-chemin entre celle de la Chine (mal en point depuis l?accident de Wenzhou en 2011) et celles des constructeurs européens ou japonais.Ludovic Barou rappelle que le développement du nouveau train coréen ne fait que commencer : « la mise en service du KTX-II a été très rapide et s?est accompagnée d?incidents parfois spectaculaires. Avec l?HEMU-400X, Hyundai Rotem se montrera plus prudent. » Le pari pourrait être gagnant : les groupes industriels coréens ont déjà montré leur capacité à rafler de nouveaux marchés au nez et à la barbe de concurrents établis et un peu trop sûr d?eux. Le français Areva, qui a vu le contrat de quatre réacteurs nucléaires aux Emirats arabes unis lui échapper fin 2009 au profit d?un consortium coréen, en a fait la cuisante expérience.