L'Eurostar coûte-t-il trop cher ?

Par Hélène Haus  |   |  551  mots
Les droits d'entrée du tunnel sous la Manche sont trop élevés d'après la Commission européenne / Reuters
La Commission européenne a demandé à la France et à la Grande-Bretagne de baisser les tarifs d'entrée imposés aux trains dans le tunnel sous la Manche. Bruxelles estime que les prix des voyages restent trop élevés pour les particuliers et les entreprises de fret.

Voyager en Eurostar est-il un luxe ? C'est en tout cas ce que pense la Commission européenne qui a réclamé à la France et à la Grande-Bretagne, jeudi, de baisser les tarifs imposés aux trains pour rentrer dans le tunnel sous la Manche. Pour les transporteurs de fret et les particuliers, les prix des traversées restent encore trop élevés. Réservez le jour même, un billet Paris/Londres coûtait ainsi, jeudi, entre 183 et 245?. Air France proposait un premier prix moins cher, à 157?.

10 millions de passagers par an

Chaque année, 10 millions de passagers empruntent le tunnel sous la Manche. Vingt ans après sa création, en 1993, 43% des capacités du tunnel restent encore inexploitées. "Les tarifs imposés aux opérateurs de fret et à leurs clients sont excessifs, et les passagers doivent payer le prix fort pour leurs billets", critique le commissaire européen aux Transports, Siim Kallas.

Alors que le tunnel a été ouvert à la concurrence, il y a plus de trois ans, le 1er janvier 2010, les droits d'entrées freinent encore les sociétés de fret à utiliser ce moyen de transport. Pour traverser la Manche, elles doivent ainsi débourser 16? par passager et 4 320? par train. Dans un communiqué, le gestionnaire du Chunnel, le groupe franco-britannique Eurotunnel - concessionnaire jusqu'en 2086 - a répliqué en justifiant que la tarification était "proportionnelle au coût des infrastructures publiques". "Il ne faut pas oublier que la construction du tunnel a coûté une fortune aux actionnaires qui ont financé les travaux. Les gouvernements britanniques et français n'ont pas déboursé un centime. Les conséquences économiques peuvent encore avoir des retombées aujourd'hui", explique Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), un organisme indépendant.

L'ancien député (UMP) des Yvelines regrette d'ailleurs que l'ARAF n'ait pas accès aux dossiers concernant le tunnel. Ses prérogatives se limitent aux frontières hexagonales. "Cela reste compliqué pour nous de nous positionner sur cette question, regrette le président. Mais il est certain qu'une tarification trop élevée peut limiter son optimisation d'utilisation".

La Commission dénonce un manque de transparence

Eurotunnel a dénoncé le temps perdu par le groupe ferroviaire allemand, Deutsche Bahn, pour obtenir une autorisation de circulation dans le tunnel, estimant que la Commission intergouvernementale  (CIG) avait "retardé de trois ans" sa délivrance. Chargée d'assurer la sécurité à l'intérieur du tunnel et gérée par la France et la Grande-Bretagne, elle rechignerait ainsi à ouvrir la circulation à des groupes ferroviaires étrangers.

En septembre 2009, la Commission avait déjà taclé Londres et Paris sur "le manque d'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire de la liaison fixe transmanche". Jusqu'ici, seul Eurostar, appartenant à la SNCF et au britannique L&CR (London and Continental Railways) était autorisé à faire circuler son TransMancheSuperTrain (TGV TMST). "La SNCF a toujours eu tendance à surestimer les exploitations du tunnel", constate Pierre Cardo. L'arrivée de la Deutsche Bahn devrait permettre d'attirer 3 à 4 millions de passagers supplémentaires.

Bruxelles va laisser deux mois aux deux pays pour répondre à ses critiques. A l'issue de ce délai, si la Commission n'est pas satisfaite, elle pourra alors saisir la Cour de justice de l'Union pour leur imposer d'éventuelles sanctions financières.