La Digital Factory d'Air France fait décoller l'innovation

Par Patrick Cappelli  |   |  1037  mots
Inauguré le 8 novembre 2018, ce laboratoire aux allures de startup veut accompagner les salariés d'Air France dans la transformation digitale de la compagnie. (Crédits : Air France)
Air France a construit sa Digital Factory juste devant son siège, à Roissy Charles-de-Gaulle. Pour le groupe, un symbole de l'importance accordée à l'innovation.

Un parallélépipède tout en vitres, du mobilier aux couleurs pétantes, des écrans partout et des tableaux couverts de dessins : l'environnement typique d'une startup. Pourtant, le bâtiment flambant neuf de 700 m² sur deux étages abrite la Digital Factory d'Air France, un groupe qui emploie plus de 40.000 personnes, pour un chiffre d'affaires 2017 de près de 15 milliards d'euros.

Lancée en décembre 2017 et inaugurée le 8 novembre dernier, la Digital Factory est un dispositif d'accélération de projets d'innovation pour accompagner les salariés dans la transformation digitale de la compagnie. L'équipe de 15 personnes est constituée de personnels issus des différents services, comme l'informatique ou le marketing digital, et d'autres recrutés à l'extérieur, telle la spécialiste du design thinking. Le budget global de la transformation digitale est d'environ 50 millions d'euros par an, et chaque business unit alloue une partie de son propre budget à la Digital Factory.

« Nous avons créé cette structure dans le cadre de notre plan de reconquête et de croissance. Ce qui nous différencie dans le monde du transport aérien, c'est la qualité de notre service. C'est pourquoi nous devons innover en permanence de façon à proposer de nouveaux produits et de nouveaux services afin d'enrichir l'expérience de nos clients », explique Amel Hammouda, directrice de la transformation.

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[Crédits : Air France]

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Des "chatbots", Louis et Lucie

Le digital est pour Air France un outil destiné à aider les équipes à délivrer ces services, à l'image des iPad qui équipent tous les personnels de bord. La Digital Factory « est un lieu ouvert qui va accueillir des projets pour les différents métiers du groupe », précise Amel Hammouda. La direction de la transformation - qui a sa place au Comex, preuve de l'importance de l'innovation pour le transporteur français -, a voulu éviter que la Digital Factory soit un service centralisateur, en se positionnant plutôt en support des équipes des différents métiers pour leur proposer à la fois des expertises technologiques et méthodologiques.

« Le plus important, ce n'est pas l'idée, mais le développement. On peut décider de faire une application qui semble formidable au stade de la maquette mais qui s'avère impossible à intégrer au système informatique de l'entreprise », explique Sophie Troël, directrice de la Digital Factory.

Dès janvier 2017, le premier projet, un portail de maintenance "B to B", a permis de tester cette méthode, qui a reçu un retour positif de la part des destinataires. La Digital Factory ne s'interdit pas par ailleurs de collaborer avec des startups extérieures. « Les métiers sont déjà sollicités par ces jeunes pousses. Mais il faut savoir intégrer ces compétences externes dans le système d'information », précise la directrice de la transformation.

Chatbots sur Messenger (Louis pour les bagages et Lucie pour l'inspiration au voyage), intelligence artificielle, assistants vocaux (Alexa d'Amazon pour le statut des vols), réalité virtuelle, maintenance prédictive (plateforme Prognos) : ces nouvelles technologies sont testées sur des cas d'usage, puis partagées au niveau du groupe. Dans les quatre salles du premier étage équipées de tableaux blancs, les projets sont incubés durant quatre à six mois.

« Nous fonctionnons en mode startup, pour délivrer les produits le plus rapidement possible. Ceux-ci doivent être dès le départ compatibles avec le système d'information et en phase avec les besoins des utilisateurs », précise Nicolas Teot, responsable du portefeuille de projets.

Une douzaine de projets au sein de neuf directions sont déjà sortis de ce laboratoire, pour un gain de temps moyen de développement de neuf mois. Cette structure consacrée à l'innovation n'a pas vocation à perdurer car sa mission principale est d'infuser les bonnes pratiques inspirées des startups au sein de tous les services d'Air France.

« Nous considérons que la Digital Factory est un lieu éphémère au service d'un changement durable. Notre objectif est de diffuser ces nouvelles méthodes dans tous les services. Nous sommes là pour accélérer les projets, mais notre durée de vie ne devrait pas excéder cinq ans », conclut Amel Hammouda.

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Deux projets dans le détail

LEA Loop

Lors d'aléas (retard, annulation de vol), les collaborateurs d'Air France, tant au sol qu'en vol, bénéficient des informations en temps réel via une application interne. Objectif : accompagner au mieux les clients et ainsi améliorer leur expérience de voyage en cas d'irrégularité. « Le but est de définir quelles sont les difficultés rencontrées par les clients et par nos collaborateurs. II s'agit de construire des solutions pour répondre à des problématiques », explique Nicolas Teot, responsable du portefeuille de projets de la Digital Factory.

Dans le cas LEA (Live Event Assistance) Loop, l'apport de la Digital Factory est surtout méthodologique, et vise à proposer une vision commune et partagée afin de traiter les cas d'usage. Ce projet est encore au stade de prototype.

Turn Around 360

Afin d'améliorer la ponctualité des vols, 25 opérationnels issus de cinq métiers différents (pilotes, personnel navigant, embarquement, piste, supervision) ont testé une application en temps réel lors d'une mise en situation reproduisant les conditions d'un départ de vol, le « toucher avion » en jargon aéronautique. « Cet outil collaboratif est un peu un WhatsApp de partage des informations avec tous plutôt qu'en mode bilatéral. L'application permet de savoir où en sont les différentes actions de l'avant-décollage : nettoyage de la cabine, retard dû à une recherche bagage, etc. », précise Nicolas Teot.

Cinq maquettes d'avion ont été créées avec leur environnement de travail pour éviter d'immobiliser des appareils. Les personnels ont testé l'outil sur leurs terminaux (iPad ou terminal renforcé) et coconstruit les usages adaptés à leur métier. Cette appli devrait être généralisée d'ici à la fin de l'année.

« Développer une appli pour sa propre activité, c'est assez facile. En revanche, créer une application que les gens de cinq métiers différents ont envie d'utiliser, c'est nettement plus difficile », analyse Sophie Troël, directrice de la transformation.