Privatisation d'ADP  : Vinci attend calmement son heure

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1007  mots
Xavier Huillard, le Pdg de Vinci a réitéré son intérêt pour le gestionnaire des aéroports parisiens en cas de privatisation de ce dernier. La question de l'absence de limitation de durée dans l'exploitation d'ADP soulève un problème en cas de privatisation.

Vinci attend son heure. Calmement. Lors de la présentation ce jeudi des résultats financiers 2017 qui ont vu le bénéfice net augmenter de 15%, à 2,737 milliards d'euros, Xavier Huillard, le Pdg du groupe, a réitéré son intérêt pour ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens de Roissy-Charles de Gaulle, d'Orly et du Bourget, en cas de privatisation de ce dernier. Rien de surprenant. Depuis son entrée au capital d'ADP en 2008 à hauteur de 3,3% (8% depuis 2013), Vinci attend patiemment son heure. Celle-ci a de fortes chances d'arriver en 2018. Le groupe qui revendique la quatrième place mondiale parmi les acteurs du secteur aéroportuaire fait figure de grand favori.

Quelles conditions?

«Je vous confirme que selon ce qui sera décidé par l'État, nous devrions être intéressés et qu'il est absolument impossible d'en dire plus aujourd'hui puisque l'État lui-même n'a pas pris ses propres décisions», a déclaré, Xavier Huillard. «Nous ne savons toujours pas si l'État veut bouger et dans l'hypothèse où il veut bouger, nous ne savons pas comment il veut bouger, quel pourcentage il serait prêt à mettre sur le marché et comment il s'y prendra».

Il y a trois semaines, lors de la présentation de ses vœux à la presse, Xavier Huillard avait tenu des propos similaires en précisant néanmoins à ce moment-là "qu'à travers les échos" qu'il avait eu de la part de "différents contacts", il pensait que "cela pourrait bouger en 2018".

Pour autant, si le groupe est intéressé, il sera très attentif aux conditions de privatisation et notamment sur le niveau de participation que cédera l'Etat et sur la façon dont il le fera.

L'État va-t-il en effet lancer "une consultation qui permettrait à un actionnaire d'assurer son contrôle sur ADP" ou, au contraire préfèrera-t-il "découper en morceaux sa participation pour être certain d'avoir en face de lui un grand  nombre d'actionnaires et non un actionnaire dominant"?  s'était interrogé Xavier Huillard.

"Supposez que l'Etat décide de vendre 10% du capital pour conserver 40% pour toujours, et que ces 10% du capital soient découpés en 5 morceaux de 2% et qu'il nous est proposé d'acheter 2% du capital, on se posera la question de savoir si cela nous intéresse. Tout dépend donc du cas de figure. L'État ne s'est pas encore fait sa philosophie", avait-il ajouté lors de ses vœux.

Le précédent de 2013

La remarque n'était pas anodine. Elle faisait référence à la cession de 9,5% des parts de l'État en juillet 2013, vendus en deux blocs de 4,7%, l'un à Predica, une filiale du Crédit Agricole, l'autre à Vinci (lequel détenait déjà 3,3%), avec, comme condition, que la participation des nouveaux actionnaires soit plafonnée à 8% pendant 5 ans. Une façon de faire qui, selon un proche du dossier à l'époque, visait à empêcher Vinci de prendre une longueur d'avance si ADP était un jour privatisé. Ceci dans le but d'éviter de reproduire le scénario constaté lors de la privatisation d'ASF (Autoroutes du sud de la France) en 2005 où personne n'était venu se frotter à Vinci, qui avait raflé au cours des années précédentes plus de 21% du capital. Sans concurrence, Vinci avait très bien négocié les conditions de cette acquisition avec l'État.

Aujourd'hui, selon des proches du Gouvernement, l'État entend continuer à jouer un rôle dans ADP.

Actifs stratégiques

Bien que fortement probable, les jeux en faveur d'une privatisation ne sont pas encore faits. La privatisation d'actifs stratégiques fait en effet toujours débat parmi les différentes parties prenantes de ce dossier. Il y a d'un côté ceux qui expliquent que l'Etat ne peut céder des actifs aussi stratégiques pour le pays que les aéroports parisiens, et, de l'autre, ceux qui, favorables à une privatisation, répondent que l'Etat gardera dans tous les cas la main sur ADP à travers le contrat de régulation économique (CRE), qu'il signe tous les cinq ans avec ADP. Car ce contrat fixe à la fois les investissements et les niveaux de redevances demandés aux compagnies aériennes pour cette période.

L'épineuse question du foncier

Au-delà de ces questions philosophiques, c'est surtout la question du foncier d'ADP que cherche à régler l'État. Pour rappel, ADP est propriétaire du foncier d'ADP et certains voient d'un mauvais œil qu'il passe à des acteurs privés au motif qu'ils pourraient l'utiliser pour des projets plus rémunérateurs que les activités aéronautiques. Ce que rejettent certains partisans de la privatisation. "Le foncier est déjà traité dans la loi de 2005 sur les aéroports auquel est soumis ADP. Si "ADP vendait du foncier aéroportuaire, l'État récupèrerait 70% de la plus-value", dit-on.

En revanche, il y a un sujet sur l'absence de limitation de durée du droit d'exploitation dont dispose ADP.

« Le vrai sujet est qu'ADP jouit d'un droit d'exploitation éternel. Certains pensent que cela ne pose pas de problème tant que l'État détient plus de 50% du capital, mais qu'en passant sous la barre des 50%, il y a une contradiction constitutionnelle entre le droit d'exploitation éternel et le fait que l'État ne soit plus en position de contrepoids », a indiqué Xavier Huillard à quelques journalistes, en aparté de la conférence de presse.

Le sujet est cornélien, car privatiser l'exploitation d'ADP tout en conservant la propriété du foncier reviendrait à léser les petits actionnaires dans la mesure où une partie de la valorisation boursière d'ADP est liée à ce foncier.

Verdict dans les prochains mois. Examinée au printemps prochain par le Parlement français, la loi "Pacte" (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) comportera un volet permettant d'engager la cession de participations de l'État dans des entreprises, avait indiqué en janvier le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, lors de ses vœux à la presse.