Comment créer 60 millions d'emplois verts en 20 ans ?

Par Dominique Pialot  |   |  642  mots
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Le Bureau international du travail (BIT) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) publient un rapport chiffrant entre 15 et 60 millions les emplois que pourrait créer une économie beaucoup tournée vers une croissance verte. Mais cela suppose de mettre en place des politiques adaptées et un dialogue social solide.

A la veille du Sommet Rio+20, organisé autour des sujets de l'économie verte et de l'éradication de la pauvreté, un rapport publié par l'ONU en partenariat avec le bureau international du travail (BIT) fait à nouveau le constat des dégâts causés à l'environnement mais aussi à l'emploi et aux populations les plus démunies par le modèle de développement actuel. Ils pointent notamment du doigt "l'instabilité systémique croissante liée au secteur financier dont le coût pour les entreprises et les travailleurs dans l'économie réelle est particulièrement élevé" et mettent en gardent contre une exacerbation des pénuries d'eau, de la flambée des prix de l'énergie, des denrées alimentaires et des matières premières, de la pauvreté, des inégalités, de la malnutrition et de l'insécurité alimentaire.

Déjà 5 millions d'emplois dans les énergies renouvelables

Rappelant qu'au moins la moitié de la population active mondiale (1,5 milliard de personnes) sera affectée par la transition vers une économie verte, le rapport liste plusieurs secteurs, qui ont déjà enregistré la création de nombreux emplois. C'est le cas notamment des énergies renouvelables, dont les effectifs augmentent de plus de 20 % par an et qui emploient aujourd'hui pas moins de 5 millions de personnes dans le monde. C'est aussi le cas des métiers liés à l'activité à l'exploitation de forêt, où huit millions d'emplois verraient le jour grâce aux 30 millions de dollars investis chaque année pour lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts. Les métiers de la protection de la biodiversité occupent 14,6 millions de personnes en Europe, de façon directe ou indirecte et ceux de la rénovation des bâtiments, qui ont mobilisé ces dernières années 100 milliards de dollars d'investissements, ont permis la création de 300.000 emplois par an en Allemagne.

 10 % des emplois responsables de 80 % des émissions de CO2

Bien sûr, certains secteurs seront plus touchés que d'autres par la transition. C'est le cas de la pêche, qui pourrait voir ses effectifs fondre pendant une période de ralentissement forcé des captures faisant suite à une surpêche, qui prévaut depuis de nombreuses années. Malheureusement, 95 % des 45 millions d'emplois du secteur sont occupés par des populations défavorisées des pays émergents. En revanche, le PNUE et le BIT rappellent que les 10 à 15 secteurs responsables de 70 à 80 % des émissions de gaz à effet de serre, les plus directement menacés par cette transition, ne représentent que 8 à 12 % des emplois dans le monde.

Le rôle essentiel du dialogue social

Pour autant, les auteurs mettent en garde. De nombreuses mesures doivent être mises en oeuvre pour que ces emplois verts voient réellement le jour.
Rappelant que cette transition implique des modifications substantielles des pratiques dans les entreprises et des changements structurels dans l'économie, ils insistent sur la nécessité d'inciter les entreprises à investir et à leur permettre d'adopter de nouveaux modes de production. Cela se décline notamment par une fiscalité environnementale faisant porter le poids du prélèvement du travail vers l'usager et le pollueur et par un accompagnement des entreprises dans cette transition, à commencer par les PME. En outre, pour garantir que cette économie verte bénéficie aux plus démunis et contribue réellement à faire reculer la pauvreté, le rapport recommande des politiques sociales et de marché du travail adaptés, mettant l'accent sur la qualification et la formation et garantissant l'équité entre hommes et femmes.

Enfin, le rapport insiste sur le rôle essentiel du dialogue social. En effet, une "coopération étroite entre le gouvernement et les partenaires sociaux" sera indispensable à la réussite de la conversion écologique, qui "va entraîner de profonds changements dans les processus de production et les technologies, ainsi que des réallocations d'emplois".