Retour au franc : réponses à Marine Le Pen

Par latribune.fr  |   |  860  mots
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Par Philippe Mabille, rédacteur en chef à La Tribune.

Madame la présidente du Front national, dans un droit de réponse à La Tribune du député UMP Pierre Lequiller ("Pourquoi le Front national leurre les Français sur l'euro"), que nous avons publié mardi 14 juin à votre demande, vous avez souhaité "préciser votre projet monétaire", à savoir : organiser "une sortie intelligente de l'euro" pour offrir à la France l'option de la "dévaluation compétitive "qui sera, selon vous, "une chance pour la France et son industrie". Votre texte, que La Tribune a publié conformément à la loi que vous avez invoquée (procédé pour le moins inhabituel dans les pages Opinions de notre journal), a suscité, sur notre site Internet, de très nombreuses réactions (plus de 180), dont il nous semble légitime de rendre compte.

Passons sur les plus virulentes ou les plus outrancières, qui sont le signe qu'à l'approche de la présidentielle la question monétaire (re)devient passionnelle. Le plus intéressant vient de ce que la parole se libère, montrant que ce qu'on appelait le "débat interdit " ne l'est en réalité pas du tout. Ce que l'on perçoit, c'est que votre stratégie consistant à préempter les grands débats économiques et sociaux, est efficace et va obliger les partis dits "de gouvernement" (l' "UMPS" dans le jargon du FN) à répondre à vos arguments en 2012. Ceux-ci, il faut le reconnaître, portent grâce à un terreau favorable : crise des dettes souveraines, révoltes des "indignés" en Grèce ou en Espagne, persistance en Europe d'un chômage de masse des jeunes et sentiment que les politiques au pouvoir sont dans une impasse budgétaire insurmontable. Vous vous appuyez, bien sûr, sur cette situation, et en appelez à la "liberté monétaire pour oxygéner l'économie, nos finances et l'emploi", en prenant pour référence des économistes aussi divers que Jean-Jacques Rosa, Alain Cotta ou Jacques Sapir, bien surpris d'être ainsi instrumentalisés.

Vous affirmez que votre "dévaluation" alourdirait de seulement "13 points notre dette extérieure exprimée en euros", à partir d'un calcul de coin de table farfelu (20% de hausse due à la dévaluation appliquée aux 65% de la dette détenue par les non-résidents !). D'abord, le niveau d'une dévaluation ne se décrète pas. Ensuite, vous faites peu de cas de la perte considérable de pouvoir d'achat à l'étranger qu'une telle dévaluation entraînerait pour les résidents, qui seront incités à fuir la France encore plus sûrement que par l'ISF. Vous vous enfermez d'ailleurs dans le protectionnisme monétaire en prétendant pouvoir financer ce surcroît de dette "par un prélèvement spécifique sur les institutions financières détentrices d'avoirs extérieurs libellés en euros, dont la valeur en monnaie nationale s'appréciera mécaniquement avec la dévaluation". Pourquoi ne pas carrément proposer de nationaliser les banques pour les forcer à payer un tel impôt, sans parler des investisseurs étrangers qui ne mettront plus jamais un sou dans les obligations du Trésor français, ce qui veut dire que l'État ne pourra plus se financer sur les marchés et payer les fonctionnaires ?

Bien sûr, vous avez des partisans, qui vous félicitent d'oser affronter ce débat. Il y a surtout, et ils sont les plus nombreux dans les commentaires que nous avons reçus, ceux qui pensent que vous avez tout faux. En voici un petit florilège : "si l'on dévalue la monnaie ! Votre pouvoir d'achat est diminué d'autant ! Donc vous devenez moins riche !!!!!" (lolo) ; "Madame Le Pen semble oublier les réactions de l'extérieur à nos dévaluations. Après tout, si nous le faisons, pourquoi pas l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne ? Et quand tout le monde dévalue, ça mène à quoi ? A la guerre des monnaies, la dernière fois c'était dans les années 1920, et ils n'avaient pas l'UE pour garantir la paix." (Loys). Yann, aux Etats-Unis, vous demande d'arrêter "le refrain du c'était mieux avant et rendez-moi mon franc... Ce qu'il faut c'est redevenir agressif, bosser, bosser et bosser. Quand tu as huit semaines de vacances en France alors que le reste du monde en a trois, c'est pas jouable sur la durée, avec ou sans le franc !" Konebien n'y va pas par quatre chemins : "Heureusement, MLP n'arrivera pas au pouvoir... Pour ruiner les épargnants français, augmenter les prix des produits importés directement ou indirectement via les produits français encore fabriqués sur place avec beaucoup de composants étrangers, c'est-à-dire abaisser considérablement le niveau de vie des Français, son programme est parfait." "L'Allemagne et bien d'autres pays sont dans l'euro et n'ont pas les problèmes de la Grèce. Marine Le Pen prend prétexte de l'euro pour démanteler l'Europe et favoriser les propres intérêts de son clan, ce qui est très différent de l'intérêt des Français et de l'Europe" (Stop aux manipulations).

Ce droit de réponses des lecteurs de La Tribune valait bien une chronique, non ?