"Il faut un Grenelle de la fiscalité au lendemain de l'élection présidentielle"

Par Propos recueillis par Clarisse Jay  |   |  692  mots
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Le président du Nouveau Centre, Hervé Morin, livre son analyse sur le plan de rigueur en cours de discussion au parlement.

Comment analysez-vous le plan anti-déficit du gouvernement ?

Je suis stupéfait de voir que face à de tels enjeux, la seule chose que le gouvernement propose aux Français, c'est un saupoudrage de mesures sans la moindre cohérence. Depuis maintenant 3 ans, nous, centristes, demandions un rabotage général des niches fiscales et sociales de 10 milliards par an sur trois ans. Cela aurait notamment permis d'éviter les corporatismes, comme on a pu le voir avec le dérisoire débat sur les parcs à thèmes. Charles de Courson et Philippe Vigier ont toujours dénoncé la fiction d'une relance keynesienne. Il est dommage qu'il ait fallu attendre l'alerte de 2011 et la pression des créanciers pour que s'impose la nécessité de réduire les déficits. Mais je crois que maintenant, face à la gravité de la situation, il faut aller bien plus loin en remettant totalement à plat notre fiscalité.

En plein débat parlementaire, êtes-vous d'accord avec les mesures du collectif budgétaire, critiquées pour leur manque d'envergure ?

D'accord avec quoi ? Un gouvernement qui choisit par exemple de taxer les plus-values immobilières, et donc de frapper les Français qui épargnent pour les années à venir ? Si ces mesures sont adoptées, un ménage « moyen supérieur » sera plus mis à contribution qu'un ménage ayant de très hauts revenus, c'est impensable. Ainsi un ménage qui revendra après 10 ans une résidence secondaire en réalisant 150.000 euros de plus-values devra s'acquitter de 45.000 euros d'impôts, alors qu'un couple qui gagne 1,2 millions d'euros n'en paiera que 36.000 avec la taxe exceptionnelle de 3 % sur la partie des revenus dépassant les 500.000 euros annuel par part. vous trouvez cela juste ?

Que préconisez-vous ?

La réduction du déficit passe par trois volets. Premièrement une baisse des dépenses publiques, pour laquelle je soutiens l'action du gouvernement. Mais il faut qu'une partie de cet effort soit supporté par les collectivités locales, où 2 milliards d'euros supplémentaires pourraient être dégagés. Ensuite, il faut poursuivre la politique du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite exception faite de l'éducation pour laquelle s'impose au préalable une réforme systémique avec un moratoire sur les suppressions de postes. Enfin, il faut trouver de nouvelles recettes et, de ce point de vue, nous n'échapperons pas à une hausse des impôts. Celle-ci devra intervenir dans le cadre d'un Grenelle de la fiscalité qui devra avoir lieu au lendemain de la présidentielle. Il faut fixer une stratégie avec deux principes simples : tout concentrer sur les PME pour permettre à la France de redevenir un pays d'entreprises ; assurer la stabilité fiscale afin d'en finir avec les incessantes transformations des dispositifs. On pourrait imaginer le basculement d'une partie des prélèvements sociaux sur la TVA, couplé à une taxe carbone par exemple. Nous aurions pu dès cette année passer la TVA de 19,6 % à 20 %. L'exemple de l'Allemagne a montré que cela n'engendre pas d'inflation en période de croissance molle. Il faudrait aussi supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les grands groupes qui ne délocalisent pas. Concernant les hauts revenus, la mise en place d'une tranche marginale à 45 % au-dessus de 200.000 euros de revenus serait juste.

Et sur le volet Grèce ?

Sur le fonds, la question qui se pose est celle de la gouvernance de la zone euro et de l'harmonisation fiscale. Les centristes le demandent depuis 10 ans. A cet égard, je continue de m'interroger sur la position du gouvernement quant au financement du secteur bancaire de la dette grecque. Est-ce au contribuable d'y contribuer ? Il faut aussi un budget européen significatif pour compenser les écarts de compétitivité.

Sur le plan politique, comment vous positionnez par rapport au Parti radical de Jean-Louis Borloo, depuis la création de l'Alliance républicaine, écologiste et sociale (Ares) ?

J'ai souhaité cette alliance et je suis le premier partisan de l'union. Parallèlement, dans la perspective de l'élection présidentielle, je continue, dans le cadre d'une démarche personnelle, à porter nos propositions. Il nous appartiendra à Jean-Louis Borloo et à moi-même de nous déterminer à l'automne.