Nos amis banquiers s'en sortent une fois de plus gagnants

Par François Leclerc  |   |  1046  mots
François Leclerc
Avec la nouvelle commission européenne, les banquiers sont soulagés. Non seulement ils ne craignent plus une trop forte régulation, mais les projets qu'ils contestaient pourraient être revus. Par François Leclerc @fdleclerc

Au sein du monde bancaire européen, l'ambiance est au soulagement . Non seulement la montée d'un nouveau risque - le risque réglementaire - a pu être stoppée, mais il est caressé l'espoir que les nouvelles autorités européennes vont assouplir plusieurs projets décriés, au vu de la nomination aux postes clés de la Commission du Français Pierre Moscovici (dont les prouesses à propos de la séparation des activités des banques à la françaises demeurent dans toutes les mémoires) à l'économie, et du Britannique Jonathan Hill à la régulation financière.

Une taxe sur les transactions financières peau de chagrin

La Taxe sur les transactions financières (TTF), contre laquelle tous les lobbies bancaires sont vent debout et réclament purement et simplement la suppression, réduit ses ambitions comme peau de chagrin et ne va conserver qu'une dimension symbolique, afin de satisfaire les dirigeants politiques. Les projets de séparation des activités bancaires sont pour leur part toujours aussi flous et semblent être condamnés à le rester... La banque universelle, chère notamment aux autorités françaises, peut respirer ! Les activités spéculatives pourront toujours s'appuyer sur le matelas des dépôts de la clientèle et les banques tirer une part importante de leurs profits de la facturation de leurs services.

Les actionnaires mis à contribution
en cas de problème... en théorie

Certes, l'Union bancaire permet aux dirigeants politiques de mettre en avant que non seulement les déposants seront protégés, mais que les contribuables le seront aussi, les actionnaires et les créanciers de la banque devant en premier lieu être mis à contribution en cas de malheur. Mais le sauvetage de la banque portugaise BES, en avant-première de sa mise en œuvre, augure mal du respect des promesses affichées : il a été procédé à une nationalisation de fait, et la suite des opérations (la vente de la good bank Novo Banco, qui s'annonce précipitée pour satisfaire aux desiderata des banques qui veulent éliminer un concurrent sur un marché encombré) n'augure rien de bon étant donné le flou qui l'entoure. Les comptes de l'addition finale risquent d'être masqués et brouillés, dans la grande tradition bancaire.

Une cotisation a minima au fonds
pour venir au secours des banques

Pour les établissements européens, l'enjeu est de cotiser a minima au fonds de résolution de l'Union bancaire. Les gouvernements se chamaillent pour définir les clés de répartition par pays des cotisations, chacun défendant une méthode de calcul à son avantage et la Commission doit rendre public début octobre une proposition. On a vu le résultat au Portugal : l'État a dû avancer l'argent, les fonds étant insuffisants. Les récupérer risque d'être une autre affaire...

Le retour de la titrisation

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, les financiers voient poindre le retour en grâce de la titrisation. Affichant qu'elle va permettre d'accroître leur soutien à la relance de l'économie, mais avec le projet de se financer à moindre coût auprès de la BCE tout en nettoyant les bilans bancaires. Pratiquant le jeu de la patate chaude, la BCE et les gouvernements allemand et français ont cherché à se refiler un risque qu'aucun n'a voulu assumer. De facto, le projet de programme massif de la BCE est redimensionné à la baisse. Il s'agit donc là d'un espoir partiellement déçu !

Les banques accèdent à des financements faciles auprès de la BCE, sans grande contrepartie


Prix de consolation présumé, un autre programme de la BCE a été lancé, sous la dénomination T-LTRO (Targeted-Long Term Refinancing Operations), dont la vocation est complémentaire du précédent. En plusieurs vagues successives, dont la première a eu lieu le 18 septembre, son propos est d'inciter les banques à accroître leurs opérations de crédit, hors immobilier. Mais il a mal démarré, la demande des banques s'est révélée nettement inférieure aux prévisions (82,5 milliards d'euros seulement) : les liquidités ne manquent pas sur le marché pour se refinancer et, en dépit du taux de 0,15% proposé, les banques ne manifestent pas l'intention de s'engager plus avant dans le crédit, soit par aversion au risque, soit en raison de la faiblesse de la demande.

Seules Unicredit et Santander se sont distinguées par l'importance de leur demande, ce qui laisse supposer que leur accès au marché est onéreux. Et les banques des pays périphériques vont pouvoir rouleur leur dette auprès de la BCE (le précédent LTRO, qui vient à maturité), la seule sanction encourue étant de rembourser leur nouvel emprunt dans deux ans. En fait de relance du crédit, le T-LTRO va maintenir toutes ces banques à flot, ce qui laisse intact le problème de la relance du crédit et risque de faire de ce programme une cartouche mouillée, si la prochaine vague de décembre prochain ne donne pas plus de résultat.

Un mécanisme de peu d'effets

Toutes les banques européennes n'ont pas les mêmes besoins, mais celles qui continuent de traverser une phase particulièrement délicate, dans les pays périphériques, attendent la mise en œuvre de ce programme pour financer le remboursement des prêts du précédent, le LTRO, qui viennent à échéance et ainsi vont pouvoir rouler leur dette. Le mécanisme destiné à les contraindre au crédit en contrepartie de leurs emprunts à la BCE va avoir peu d'effet, estime l'agence Fitch, conduisant une partie d'entre elles à seulement substituer de nouveaux prêts aux précédents douteux, au mieux à volume constant. Les autres bénéficieront de deux ans de crédit à très bas coût pendant deux ans, avant de devoir le rembourser avant qu'il vienne à maturité. En fait de relance du crédit, le T-LTRO va maintenir toutes ces banques à flot.

Le risque réglementaire est bien le seul risque que les banques parviennent à maitriser, dans une situation ou enfle celui de pénalités financières qui n'arrêtent pas de tomber, infligées par les régulateurs américains.