Berlin épingle l'Eurogroupe... sur la dette grecque !

Par Florence Autret  |   |  529  mots
Des économistes du ministère fédéral allemand de l'Économie s'interrogent sur la stratégie de réduction de la dette grecque de l'Eurogroupe et invitent à continuer à financer Athènes après 2018.

On connaissait le scepticisme du Fonds monétaire international au sujet de la capacité de la Grèce à rembourser sa dette. La semaine dernière, une nouvelle voix est venue s'ajouter au concert des critiques de la stratégie de l'Eurogroupe. Elle vise en particulier les mesures de restructuration de la dette définies - mais encore très partiellement mises en oeuvre - par les ministres des Finances lors d'une réunion informelle à Amsterdam en mai 2016.

Pour les trois auteurs de cette note intitulée Est-ce que la Grèce a besoin de plus d'allégement de dettes ? Et si oui, de combien, publiée au début du mois d'avril par le Peterson Institute (PIIE, Washington), il serait préférable, du point de vue du contribuable européen, de continuer à financer la Grèce à hauteur d'environ 100 milliards d'euros après la fin de l'actuel programme, plutôt que de pousser Athènes à retourner sur le marché, comme le souhaitent les ministres des Finances.

La suggestion est en soi originale

Mais ce qui l'est plus encore est qu'elle émane des services de recherche du... ministère fédéral allemand de l'Économie, dont deux des trois cosignataires, Eike Kreplin et Jeromin Zettelmeyer, sont respectivement un économiste et un ancien directeur général de la politique économique. Les auteurs démontrent que l'objectif d'un retour de la République hellénique sur le marché après 2018 n'est non seulement pas réaliste, mais qu'il risque, de surcroît, de coûter plus cher aux contribuables européens que la poursuite d'un financement par le Mécanisme européen de stabilité.

Se fondant sur l'exemple d'autres pays développés ou émergents ayant connu des problèmes comparables dans le passé, ils estiment que « l'effort fiscal supplémentaire qu'il est possible d'attendre de la Grèce n'atteindra pas ce qui est requis pour restaurer la solvabilité sans allégement supplémentaire additionnel de la dette ».

Le risque grec « possiblement pour plusieurs décennies »

Mais surtout ils jugent que, si l'« arsenal » des « mesures de dettes » envisagées, prévues par l'Eurogroupe pourraient permettre « poussées à l'extrême » d'obtenir ce résultat, elles risquent d'aggraver considérablement et « possiblement pour plusieurs décennies » l'exposition au risque grec de la Facilité européenne de stabilisation financière - le premier fonds européen créé en 2010 et placé depuis 2012 sous l'ombrelle du Mécanisme européen de stabilité.

Le PIIE précise, comme il est de coutume, que les vues des auteurs de la note « ne peuvent être citées comme reflétant celles de l'institution » pour laquelle ils travaillent. Il n'empêche qu'il est intéressant de voir que le BMWi, actuellement dirigé par la sociale-démocrate Brigitte Zypries, laisse ses équipes empiéter sur la chasse gardée du ministère fédéral des Finances (BMF) et de son patron, le chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble, à quelques jours de l'assemblée de printemps du FMI, à Washington.

Ni le BMWi, ni les équipes du Mécanisme européen de stabilité, qui ont apporté leurs concours aux chercheurs en répondant à leurs questions, n'ont voulu faire de commentaire.