Aulnay sera-t-il le Vilvorde du prochain président ?

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  561  mots
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A l'annonce d'un possible mariage PSA-GM, la bourse applaudit... Et la politique s'en mêle. A la veille de la présidentielle, l'automobile et ses usines sont devenus un enjeu électoral, au nom du produire en France.

« Le gouvernement regarde avec beaucoup d?attention et beaucoup de vigilance » la situation de PSA (Valérie Pécresse). « Si une alliance et un partenariat stratégique peuvent servir à consolider l?emploi, pourquoi pas ? Mais c?est un terrain sur lequel il faut être vigilant, je ne dis pas suspicieux, mais vigilant » (Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande et incidemment, élu du Doubs où se situe l?usine PSA de Sochaux?). Depuis l?annonce, par La Tribune mardi soir, de discussions entre PSA et General Motors en vue de possibles « fiançailles », la politique s?est emparée avec passion du sujet. Pendant que la Bourse a applaudi, et de quelle manière, la perspective d?une telle alliance transatlantique, les vieux réflexes du patriotisme économique ont repris le dessus. Dans quel autre pays que la France un ministre du travail en poste aurait pu confirmer être informé de telles négociations entre deux groupes privés, comme l?a fait mercredi matin Xavier Bertrand, alors que l?entreprise s?est contentée d?un succint et très prudent communiqué ?

La fermeture de l'usine Citroën d'Aulnay?


Bien sûr, l?enjeu est d?importance. Le groupe PSA Peugeot Citroën est en France un très gros employeur, et même un plus gros employeur que Renault, parce qu?il a moins délocalisé d?usines. Surtout, en partie pour cette dernière raison, il est plus fragilisé par la crise économique que le constructeur au losange, en particulier avec son usine d?Aulnay, source de toutes les inquiétudes. En 1997, Lionel Jospin était arrivé au pouvoir au moment même de la fermeture de Renault Vilvorde, qu?il n?avait pu empêcher, malgré les pressions exercées sur Louis Schweitzer, le PDG du constructeur et ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius. En 2012, le prochain président de la République peut craindre d?être celui qui verra au cours de son mandat la fermeture de l?usine Citroën d?Aulnay-sous-Bois, qui produit encore la C3 (après avoir commencé avec la mythique DS). D?où la vigilance renforcée du monde politique, qui assiste avec appréhension à un mouvement stratégique majeure et sans doute inéluctable de la famille Peugeot pour tenter de sauver PSA.


En plein débat sur le « produire en France », la volonté de la direction de PSA de nouer enfin l?alliance internationale si longtemps retardée inquiète à droite comme à gauche, là où au contraire, il faudrait pourtant qu?elle se félicite. Au moment où Renault inaugure en grandes pompes une usine low cost à Tanger au Maroc, et treize ans après la conclusion de l?alliance Renault-Nissan, les politiques sont sur la défensive. Pourtant, la vérité oblige à dire que si on ne veut désespérer ni Billancourt, ni Aulnay, et préserver l?avenir de la filière automobile française, c?est bien une consolidation à grande échelle de cette industrie du 20ème siècle qui est nécessaire. En Europe, marché mature où les surcapacités sont manifestes, il faut s?y préparer, politiquement et socialement, si l?on veut espérer pouvoir conserver sur notre territoire la valeur ajoutée considérable que peut procurer l?automobile, comme l?ont admirablement démontré les grands constructeurs allemands.