Merci Google ?

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  655  mots
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L'accord conclu entre le patron de Google, Eric Schmidt, et François Hollande, sur le soutien aux médias français pose autant de questions qu'il n'en résout.

C?est une petite victoire mais c?en est une tout de même. En concluant vendredi soir à Paris un accord avec Eric Schmidt, le président de Google, François Hollande clôt une semaine qui, sur le plan politique et social, n?aura pas été particulièrement confortable. Et c?est assez savoureux qu?il ait pu le faire avec une multinationale américaine pour qui il ne doit pas avoir une affection particulière. De surcroit, le président de la République n?est pas véritablement un geek et doit être foncièrement agacé par les man?uvres fiscales dont est plus que soupçonné le géant américain.
Si François Hollande peut donc remercier Google, faut-il pour autant se réjouir de cet accord? Ce que l?on en sait, pas grand chose pour le moment, peut apparaître séduisant. D?abord, il est question de mettre en place un partenariat «commercial avec les éditeurs de presse». Ensuite, un fonds doté de 60 millions d?euros sera crée par Google pour aider la presse à «faciliter sa transition vers le numérique». Il n?est donc semble-t-il plus question de rémunérer «les droits voisins» comme le demandaient les éditeurs. Droits dont l?assiette reposait sur les bénéfices que retirait Google de l?utilisation de la production éditoriale des médias référencée sur son site. Un concept nouveau, complexe, dont la firme de Mountain View ne voulait pas entendre car elle considérait qu?elle s?engagerait là sur une pente dangereuse en ce qu?elle bouleversait les fondements mêmes de son modèle: le service et donc, de son point de vue, la promotion qu?elle offrait à l?information créée par des médias mal en point valant largement toutes les taxes et droits du monde, il n?était pas question de toucher à ce principe.

Le risque d'une jurisprudence

De ce point de vue, Google s?en tire à bon compte (60 millions d?euros représentent 2 jours de ses bénéfices annuels). En trouvant un compromis, il fait montre d?une certaine bonne volonté et donne un petit coup d?arrêt à la dégradation de son image des deux côtés de l?Atlantique liée aux attaques multiples sur sa position hyper dominante. En revanche, il doit s?attendre à ce que nombre d?autres pays avec qui il était en conflit, notamment l?Allemagne, demande un traitement au moins équivalent.

Et les médias français (dont fait bien sûr partie La Tribune)? En période de disette budgétaire, ils peuvent évidemment se réjouir de cette petite manne qui pointe à l?horizon (on ne sait pas encore lequel). Pour les aider à cette fameuse «transition numérique», ils étaient jusqu?à présent sur-dépendants de l?argent public, les investisseurs privés ne se précipitant pas pour financer un secteur, il faut bien le dire bien malade et en panne de modèle.
Mais de nombreuses questions restent en suspens. Quels seront les interlocuteurs de Google, sachant que les positions des uns et des autres sont très diverses sur le sujet? Quels seront les critères du même Google sur les attributions de ces aides? Quelles formes prendront ces soutiens? Simples subventions, avances?? Peut-on imaginer qu?une firme biberonnée aux valeurs du marché puisse intégrer dans son logiciel des notions fondamentales comme le nécessaire maintien d?une essentielle diversité d?opinions? Il n?est en tout cas pas banal de constater que l?avenir d?un pan entier du système d?information d?un pays voit une partie de son destin tomber entre les mains d?une multinationale, à qui il ne faut jamais l?oublier, il doit déjà beaucoup de sa visibilité sur le net. Une double contrainte qui peut effrayer. Mais avait-il le choix?