Climat : le citoyen-consommateur au rapport

Par Philippe Mabille  |   |  603  mots
(Crédits : iStock)
EDITO. A travers la Convention citoyenne pour le climat, chargée de proposer d'ici à début 2020 des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en France, c'est la société civile - les citoyens-consommateurs - tout entière qui est renvoyée à ses propres responsabilités en matière de protection de l'environnement. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

C'est une innovation institutionnelle dans l'air du temps : 150 citoyens tirés au sort sont chargés, dans le cadre d'une Convention citoyenne, de proposer d'ici à début 2020 des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en France. L'idée, inspirée de la démocratie délibérative, est fille de la crise des « gilets jaunes ». Ils voulaient le RIC, le référendum d'initiative citoyenne, en toute matière : ils auront la Convention citoyenne pour le climat. L'opération est cousue de fil vert : le gouvernement voudrait-il que cette Convention fasse revenir la hausse de la taxe carbone que les « gilets jaunes » ont enrayée ? s'interroge un participant.

Poser ainsi la question, c'est presque y répondre, tant il est évident qu'il n'y a pas de solution, hors d'un mécanisme fiscal agissant sur les prix de l'énergie, pour inciter les producteurs comme les consommateurs à changer leurs comportements. De fait, au-delà des 150 conventionnels constitués à l'image de la société française, même s'il ne s'agit pas d'un échantillon statistique représentatif au sens des règles utilisées pour les sondages, c'est bien la société civile tout entière qui est renvoyée à ses propres responsabilités en ce qui concerne le climat. S'il s'agit bien d'une question « existentielle », comme l'a dit la nouvelle commissaire européenne chargée de l'Énergie, si l'urgence climatique doit primer désormais sur toute autre priorité, comme l'expriment dans les rues les manifestants d'Extinction Rebellion (XR), alors il est temps de passer aux actes.

Intelligence collective

Le défi est immense. Les citoyens-consommateurs sont au coeur du problème et sont en même temps la solution. On le voit dans l'agroalimentaire, le consommac'teur a réussi à faire changer les comportements de l'industrie, au nom du « bien manger » (lire pages 18-19). Toute la question est de faire adhérer une minorité suffisamment active aux changements. C'est justement la thèse des activistes d'XR qui s'inspirent des travaux d'une universitaire américaine méconnue, Joanna Macy, pionnière de l'écopsychologie. Selon elle, « la bataille pour le climat ne doit pas être une confrontation ; il n'y a pas d'ennemis, pas de gentils contre les méchants parce que nous sommes tous concernés par la catastrophe climatique. Les solutions ne peuvent se trouver que tous ensemble. » Joanna Macy prône l'entraide et souligne que « les petits gestes pour la planète ne sont pas moins importants que les grandes décisions ».

Le discours fait un peu bisounours si on le compare à celui tenu par Greta Thunberg à l'ONU, pour qui « le temps de la décroissance est venu » et qui plaide pour des mesures beaucoup plus radicales, comme l'interdiction de l'avion. Au début de la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait enfermé le débat dans une opposition presque insoluble entre la fin du monde et la fin du mois. Le rôle de la Convention citoyenne pour le climat est de résoudre cette équation en proposant des mesures fortes et courageuses dont le mérite sera de ne pas descendre d'en haut, mais d'être élaborées par l'intelligence collective de citoyens placés en situation de décideurs, à l'abri, on le suppose en tout cas, des lobbies. Que sommes-nous prêts individuellement et collectivement à accepter comme contraintes pour sauver la Terre du réchauffement climatique ? Comment le faire en conciliant l'écologie et l'économie, la croissance et la planète, l'emploi et la qualité de vie ? Soyons réalistes : il est plus que probable que la montagne accouchera d'une souris... verte.