
« La maison brûle mais nous regardons ailleurs », déplorait en 2002 à Johannesburg Jacques Chirac, décédé la semaine dernière, à propos de la lutte contre le réchauffement climatique. À l'époque, la désormais célébrissime Greta Thunberg n'était pas née. Mais comme lui, elle accuse l'inaction des pouvoirs publics. « Des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c'est d'argent et du conte de fées d'une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? », accusait-elle fin septembre à la tribune de l'Onu.
Progrès matériel et utilisation d'énergies fossiles
Osons donc. La jeune militante semble ignorer que le progrès de la civilisation, au moins sur le plan matériel, dépend fondamentalement de l'utilisation de l'énergie. Le bien-être qu'elle procure (chauffage, lumière, mobilité) est ce qui nous permet de vivre des vies décentes, qui ne se réduisent pas à la survie quotidienne. Or, ce progrès s'est fait depuis la fin du XIXe siècle par l'utilisation d'énergies fossiles. Aujourd'hui, l'énergie que nous brûlons à travers le monde dépend encore à 85 % d'elles (voir graphique). Pourquoi, parce qu'elles ont l'avantage d'être abondantes - malgré le fait qu'il s'agit de non renouvelables -, bon marché et faciles à obtenir.
Si cette situation persiste, la raison en est que les économies émergentes, dont la Chine et l'Inde, ont accéléré leur développement économique, comme l'Occident l'a fait depuis plus d'un siècle. Cela a permis entre 1990 et 2018, de voir la part de personnes vivant dans l'extrême pauvreté passer de 36 % de la population mondiale à 8,6 % en 2018, selon la Banque mondiale, alors même que la population mondiale augmentait. Les pays émergents ne renonceront donc pas à ce progrès matériel comme l'atteste une enquête menée par l'Onu auprès de 10 millions de personnes, demandant leurs priorités : santé, éducation, emploi, lutte contre la corruption et alimentation arrivaient en tête ! Le climat arrivait en seizième position.
La part des énergies renouvelables en hausse
Pour autant, n'a-t-on rien fait ? Faux, depuis 2002, la part d'électricité mondiale générée par les énergies renouvelables est passée de 2 % à 10 %. Dans le même temps, les parts du pétrole, du charbon et du nucléaire baissaient respectivement de 8 % à 3 %, de 40 % à 38 %, de 18 % à 10 %. Ces deux derniers chiffres donnent à réfléchir : le charbon, facile d'accès et bon marché, reste encore la source majeure pour produire de l'électricité, tandis que le nucléaire, qui n'émet pas de CO2, reste impopulaire depuis Tchernobyl et Fukushima. C'est un dilemme : l'atome pose problème mais il fait partie des solutions.
Ces dernières ne naîtront pas d'ailleurs du prophétisme mais dépendront des investissements consentis dans la R & D pour trouver des solutions technologiques « vertes ». Selon une étude du Copenhagen Consensus Centre, 1 dollar investi dans cette voie éviterait 11 dollars de dommages liés au climat. Mais là on ose parler argent, ce qui déplairait à Greta.
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