Rafale et Scorpène en Inde : les victoires de la seule France

Par Le groupe Vauban*  |   |  1079  mots
« L'exportation d'armement française est donc bel et bien une souveraineté exportée : l'Inde vient de le démontrer, au moment même où le Royaume Uni se retrouve piégé par l'Allemagne » (Le groupe Vauban). (Crédits : Reuters)
OPINION - Les nouveaux succès de la France en Inde avec la vente de 26 Rafale Marine et trois sous-marins Scorpène conjugués au refus d'exporter de l’Allemagne le Typhoon en Arabie Saoudite démontrent que la souveraineté paie en matière industrielle, et notamment dans le domaine de l'industrie de l'armement. Par le groupe Vauban*.

Coup sur coup sont tombées deux nouvelles majeures : d'une part, le Defence Acquisiton Council (DAC) du ministère de la défense indien vient de confirmer la sélection de 26 Rafale Marine et de trois sous-marins Scorpène supplémentaires, de l'autre, l'Allemagne vient de fermer la porte à l'exportation du Typhoon en Arabie Saoudite. Ces deux nouvelles, tout aussi importantes l'une que l'autre, ont une seule signification : la souveraineté paie.

Inde : la victoire de la seule France

Fruits d'un long partenariat stratégique avec l'Inde remontant aux années 50, constamment poursuivis depuis, au-delà des régimes et des présidences, les victoires de l'armement français doivent tout à la seule France et rien à l'Europe.

C'est en effet grâce aux investissements - R&D, production et commercialisation - constants dans ses systèmes d'armes nationaux que la France doit ses capacités militaires et ses succès export. Les succès du Rafale, du Scorpène et des frégates d'intervention et de défense (FDI) comme de leurs senseurs et systèmes d'armes sont la résultante de l'observation de deux maximes de bon sens qui se vérifient toujours, en positif et en négatif : on ne fait bien la guerre qu'avec des matériels que l'on développe soi-même et l'on exporte sans contrainte et avec succès qu'avec des systèmes d'armes nationaux.

Cette double réalité, vérifiée maintes fois en Grèce, en Égypte, aux Émirats Arabes Unis (EAU), au Qatar, au Brésil, en Indonésie pour ne citer que les cas récents, devrait servir de lignes directrices pour la politique française, non seulement pour ses propres lois de programmation militaires mais aussi dans les coopérations européennes qu'elle noue ou veut nouer.

Arabie : la défaite de la coopération européenne mal conçue

En contrepoint total, la décision allemande de suspendre jusqu'à l'automne 2025 les licences d'exportation vers l'Arabie, vient confirmer ce que notre groupe n'a eu de cesse de rappeler : avant de développer un matériel en coopération, il est impératif de s'entendre sur des spécifications communes et une politique d'exportation.

A cet égard, la coopération voulue par M. Macron en juillet 2017 avec l'Allemagne aura apporté la confirmation que Berlin n'est pas le partenaire naturel de la France dans la défense, car ce qui arrive aujourd'hui à BAE Systems et qui pénalise aussi MBDA, pourra arriver demain avec le SCAF (Système de combat aérien du futur) et le MGCS (Main Ground Combat System). En devenant l'otage d'une idéologie utopique, Berlin prend en otage l'ensemble de ses partenaires européens : aucune pression diplomatique ni aucun compromis bilatéral ne pourra jamais faire plier une coalition hétéroclite - verte-rouge ou noire-rouge ou autre - en Allemagne qui a décidé de mener une politique restrictive dans le domaine de l'exportation d'armement.

Après la crise de 2018-2019 qui avait vu l'Allemagne rompre unilatéralement des engagements pris (avec la France mais aussi avec l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni), on eût pu penser que Paris en aurait retenu la leçon que Berlin se comporterait toujours de manière égoïste, n'écoutant que ses partenaires politiques et non ses alliés européens. Les échecs de l'avion de patrouille maritime, de la modernisation du Tigre, la poursuite obstinée du SCAF et du MGCS avec l'Allemagne et même les récents débats de la LPM ont pourtant clairement démontré que la France demeurait sourde et aveugle face au comportement inamical de l'Allemagne.

La souveraineté nationale paie

Contrairement aux affirmations péremptoires des partisans de la coopération à tout prix et surtout aux dépens de la France, la souveraineté paie. Celle-ci exige d'abord l'indépendance des moyens : « « Il faut que la défense de la France soit française. C'est une nécessité qui n'a pas toujours été très familière au cours de ces dernières années. Je le sais. Il est indispensable qu'elle le redevienne. Un pays comme la France, s'il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. S'il en était autrement, notre pays serait en contradiction avec tout ce qu'il est depuis ses origines, avec son rôle, avec l'estime qu'il a de lui-même, avec son âme. ». (Discours à l'École de Guerre, 3 novembre 1959). C'est pourquoi la Loi de programmation militaire doit être sincère politiquement et budgétairement...

Ce dispositif national à deux étages - souveraineté diplomatique et moyens militaires indépendants - attire naturellement les pays étrangers qui poursuivent la même stratégie et veulent se doter des mêmes moyens matériels d'indépendance. Nulle surprise donc que la géographie des ventes d'armes françaises trace la carte des pays non-alignés souhaitant maîtriser totalement leur instrument militaire : Inde, Indonésie, Brésil, EAU, Qatar, Arabie, Égypte, Maroc, etc. Nulle surprise non plus à voir le Rafale exporté en Inde et non en Belgique, en Égypte et non en Corée du Sud, en Grèce et non aux Pays-Bas. Nulle surprise ensuite à voir le Scorpène exporter au Chili, en Malaisie, en Inde et demain en Indonésie avant de l'être aux Philippines. Nulle surprise, enfin, à constater que c'est bien le double caractère stratégique et indépendant du système d'armes en question qui est la raison de l'achat par la Grèce et non une quelconque défense européenne, bien incapable de résister aux turqueries...

L'exportation d'armement française est donc bel et bien une souveraineté exportée : l'Inde vient de le démontrer, au moment même où le Royaume Uni se retrouve piégé par l'Allemagne. Qui osera dire à Paris que New Delhi, Abu-Dhabi, Brasilia, pour se limiter à ces pays-là, sont des meilleurs partenaires pour Paris que Berlin ? Que leur alliance est autrement plus valorisante pour la diplomatie et l'industrie française de l'armement ?

Le jour où ce fait sera enfin reconnu à Paris, sera celui de la remise en cohérence de tout un système de défense voulu par le général de Gaulle et qui n'a cessé de dériver au nom d'une « autonomie stratégique européenne » toute aussi introuvable que contestée partout en Europe.

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.