La France a besoin d'un grand "Cloud" souverain

Par Loïc Rivière, délégué général de l'Association Française des Editeurs de Logiciels  |   |  617  mots
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La nécessité d'un Cloud souverain, à l'instar des G-Cloud européens ou américain ne fait plus débat. Le Gouvernement ne doit pas disperser ses efforts en apportant désormais apporter son soutien à un unique projet, compétitif face aux réalités du marché et susceptible d'entraîner un écosystème industriel dans son sillage.

Voilà bien longtemps que chacun fait du Cloud sans le savoir : à travers de nombreux usages familiers tels que la consultation de boîtes webmails, l'utilisation de réseaux sociaux, le streaming vidéo ou la musique en ligne, et évidemment le e-commerce. Dans ces domaines, nous partageons en effet l'usage d'une infrastructure et de services informatiques, mutualisés et parfaitement abstraits pour l'utilisateur. Aujourd'hui les entreprises veulent pouvoir consommer logiciels et services de façon élastique, à la demande, en fonction de leurs besoins et uniquement de leurs besoins. Demain, plus encore qu'aujourd'hui, certaines administrations y auront également recours pour des besoins spécifiques. Les collaborateurs de ces entreprises et de ces administrations pourront dès lors accéder à des données, souvent stratégiques, où qu'ils soient, et depuis tous les types de terminaux d'accès. Ils pourront interagir en interne avec leurs environnement de travail sur tous les processus métier et à l'extérieur avec leur communauté, de clients, partenaires, etc... ou les administrés et les citoyens. C'est ce que, notamment, promet et permet le Cloud computing, dont l'offre aux entreprises connait un véritable essor.

Entre 200 000 et 300 000 créations d'emplois attendues

Ce nouveau « mode de consommation » de la ressource informatique représente bien plus qu'une rupture technologique (discutable) ou de business model (indiscutable)... C'est toute la société qui en sera changée. N'est-ce pas le Cloud, et en particulier son abstraction et sa tarification à l'usage, qui font qu'une petite PME peut s'offrir un outil de gestion de la relation client autrefois réservé aux grandes entreprises ? Comment se consomme aujourd'hui la musique ou la vidéo si ce n'est en streaming, sans que quiconque ait une idée de l'endroit où cette ressource est localisée ? Quel serait l'avenir du télétravail sans le Cloud ? Il en va de même des réseaux sociaux qui ont révolutionné nos usages personnels et en entreprise (social marketing, collaboratif) et qui n'existeraient tout simplement pas sans le Cloud computing. Le Cloud conditionne enfin la viabilité des promesses du Big data, le traitement de données hétérogènes, non structurées et pour l'analyse desquelles la puissance du Cloud et des outils logiciels auront un impact décisif.

Un unique projet, compétitif et ouvert et porté par l'écosystème du logiciel

Le Cloud en France devra également traiter des données très stratégiques ou sensibles.On comprend bien que pour ces dernières, la maîtrise de l'infrastructure constitue un enjeu de souveraineté nationale. Ces données doivent être localisées sur le territoire et, pour les plus sensibles d'entre elles, être contrôlées par des opérateurs nationaux. Des créations d'emplois nettes sont enfin attendues du développement du Cloud computing sur notre territoire - entre 200 et 300 000 selon les estimations . Le Gouvernement a fort heureusement bien compris ces enjeux, qui souhaite à travers le Grand emprunt, soutenir un grand projet français de Cloud souverain à hauteur d'un investissement de 135 millions d'?.

« Un projet », et non plusieurs, car le saupoudrage, conduirait en la matière à l'échec. La taille de notre marché national est trop réduite et les investissements trop lourds pour que deux initiatives concurrentes puissent coexister. Intrinsèquement porteur d'un écosystème d'acteurs industriels, en premier lieu les éditeurs de logiciels qui tirent l'essentiel du marché du cloud computing, ce projet devra répondre aux critères suivants : compétitivité, ouverture et dimension potentiellement européenne. Le Gouvernement devra donc trancher en fonction de ces critères dans la mise en compétition des projets, selon une vision de long terme centrée sur le développement de notre écosystème logiciel en France.