Très haut débit : « moins de cuivre, plus de fibre, c'est plus d'emplois ! »

Par Par Jean-Michel Soulier, président de Covage, David El Fassy, président d'Altitude Infrastructure, et Eric Jammaron, vice-président d'Axione Infrastructures.  |   |  803  mots
Jean-Michel Soulier de Covage - David El Fassy d'Altitude Infrastructure - Eric Jammaron d'Axione Infrastructures.
Alors que le gouvernement doit présenter en février sa feuille de route en matière de très haut débit, ces trois spécialistes des réseaux d'initiative publique et de l'aménagement numérique du territoire lui demandent de fixer une date précise d'extinction du cuivre, c'est-à-dire de basculement général du réseau téléphonique traditionnel, utilisé pour l'ADSL, à un nouveau réseau entièrement en fibre optique afin de mieux mobiliser les financements.

A l'heure où la mobilisation est générale sur l'emploi, les grands projets d'infrastructures sont des puissants vecteurs de croissance, notamment dans les secteurs d'avenir comme le numérique. Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique (TNT) a permis, outre l'élargissement du choix offert aux consommateurs, le lancement massif de la télévision HD, le développement de la filière de production, les retombées pour les distributeurs d'électronique grand-public, le relais de croissance de la publicité, l'émergence de « tower companies » pour la diffusion, etc. Le grand chantier de la fibre optique peut aussi constituer une formidable opportunité d'investissement d'avenir pour la France, triplement génératrice de croissance durable, de bien-être social et de création d'emploi à court terme.

Remplacer partout le réseau de cuivre par de la fibre optique
La décision volontariste, porteuse de bénéfices économiques et sociaux démultipliés, serait de remplacer partout en France le réseau téléphonique en cuivre par un réseau entièrement numérique en fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH). Ce choix exprimerait une vision dynamique du développement de notre pays autour d'objectifs d'égalité, d'attractivité et de compétitivité.

Afin de porter une telle ambition d'aménagement numérique, l'Etat et les collectivités locales devront travailler ensemble en respectant les deux fondements de leur intervention : la maîtrise publique et la solidarité nationale. Ce sont ces ingrédients qui ont permis la réussite de la première génération d'initiatives publiques de ces dix dernières années : éradication des zones blanches, amélioration des services en zone rurale, passage au très haut débit pour les établissements publics (santé, sécurité, enseignement, formation, tourisme...) et les entreprises, émergence des premiers services publics numériques de proximité, valorisation du foncier, relocalisation de population en monde rural, création de plus de 10 000 emplois...

Mais alors que les nouveaux usages décollent dans tous les domaines de notre société, une fracture du très haut débit se dessine entre quelques villes concernées et les autres. En réaction, l'Etat se mobilise et entend définir d'ici février sa stratégie d'investissement pour dessiner la France de la prochaine décennie, tout particulièrement celle du très haut débit pour tous. Alors comment lancer définitivement ce chantier, sachant que, depuis trois ans, bien peu a été fait ?

La coexistence de deux réseaux crée une fragilité économique
La solution est de prendre aujourd'hui la décision claire sur un horizon irrévocable d'extinction du réseau cuivre et de migration de tous les utilisateurs sur le nouveau réseau de fibre optique. A l'instar de la TNT, le gouvernement pourrait donner cet objectif ultime et faciliterait ainsi grandement la difficile question de son financement. Dans un tel cadre, et en complément des investissements confirmés des opérateurs dans les très grandes villes, les collectivités, appuyées par l'Etat, pourront contribuer, via des réseaux d'initiative publique (RIP), à la couverture des zones structurellement non rentables. Contrairement au système en vigueur de coexistence de deux réseaux concurrents (cuivre et FTTH) créant ainsi une fragilité économique réciproque, l'extinction du cuivre, dès lors que la fibre est déployée, inverse la donne et permet la mobilisation optimale de financements, notamment des fonds spécialisés dans le l'accompagnement des projets d'infrastructures d'intérêt général. Une péréquation franche entre zones rentables et non rentables au sein d'un département ou d'une région compléterait utilement le dispositif. L'économie pour l'Etat et les collectivités territoriales, par rapport au plan actuel, serait alors colossale.

La fibre c'est plus de 40.000 emplois qualifiés et non délocalisables
Ceci n'est que la liste des bénéfices à long terme. Mais l'impact sur l'emploi à court terme serait sans doute le plus important dans ce contexte de crise économique. On estime le besoin de main d'?uvre sur le déploiement de la fibre optique à plus de 40.000 emplois, qualifiés et non-délocalisables, sans compter la création d'une filière industrielle nationale et locale potentiellement exportatrice si nous prenons l'initiative sur les autres pays. Nos grands opérateurs, mais aussi de nombreuses PME sur l'ensemble du territoire, en seraient les grands bénéficiaires.

La France est un grand pays d'infrastructures. Elle doit le redevenir sur le numérique. Nous sommes nombreux à être prêts à fédérer nos énergies au service d'une vision nationale ambitieuse et durable. C'est surtout l'un des moyens de remettre en marche le train de l'emploi et de la croissance au c?ur de l'ensemble des régions françaises.