Tour d'Europe des systèmes bancaires (5/10) : le Portugal sur la voie de la rédemption

Par David Benamou, président d'Axiom AI  |   |  697  mots
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La Tribune avec David Benamou, président d'Axiom AI, vous proposent chaque jour de découvrir le système bancaire d'un des 10 pays européens étudiés. A la différence de son proche voisin, le Portugal n'a pas connu de bulle immobilière, mais ses banques, qui détiennent d'importants portefeuilles d'Obrigações do Tesouro payent toujours le prix de la crise des dettes souveraines.

C'était il y a six ans à peine... mais cela semble dater d'une autre époque. En 2006, le FMI chantait les louanges du secteur bancaire portugais : stable, robuste, diversifié, compétitif, rentable, etc. Le marché financier, très peu désintermédié (71% des actifs financiers étaient détenus par des banques, un des niveaux les plus élevés d'Europe) était dominé par cinq grands établissements : la Caixa Geral de Depositos (sorte d'équivalent portugais de notre Caisse des Dépôts) et la BCP détenaient chacune environ 22% des actifs, puis venaient Espirito Santo (15%), Santander Totta, filiale de la banque espagnole, (9%) et BPI (7,6%).

Comme dans d'autres pays périphériques, la politique de taux bas de la BCE et l'adhésion à l'euro ont permis, malgré la croissance faible et le chômage en augmentation, aux ménages de s'endetter massivement dans la période 1995-2005 : leur dette a triplé et représentait plus de 120% du revenu disponible. C'est donc sans surprise que le pays a été frappé par la crise de 2008 puis par la crise des souverains de la zone euro.

Si, pour les banques, la situation a été moins dramatique au Portugal que chez son proche voisin et principal partenaire commercial, l'Espagne, c'est qu'il n'y pas vraiment eu de bulle immobilière. De 2000 à 2004, les prix de l'immobilier, en valeur réelle, ont même baissé et les LTV (loan to value) raisonnables (85% en moyenne) ont permis aux banques d'encaisser le choc. Enfin, la politique de la BCE a permis aux ménages, endettés à 90% à taux variable, de continuer à payer des intérêts très bas.

C'est donc la crise des souverains qui a mis à mal les établissements financiers portugais : les craintes systémiques ont coupé l'accès des banques aux marchés de capitaux, ont fragilisé les très grandes entreprises, principales emprunteuses auprès des banques, et ont engendré des pertes importantes sur les portefeuilles de titres souverains. Elles ont également contraint les banques à se recapitaliser, sous la pression des stress tests EBA (Autorité bancaire européenne), souvent au détriment des investisseurs. La fameuse spirale infernale « banque - Etat » se fait cruellement sentir au Portugal : les banques détiennent une quantité très importante de titres d'Etat portugais (entre 100% et 200% de leur capital) et recourent massivement aux emprunts BCE. Tant que ces liens n'auront pas été coupés, les investisseurs seront réticents à intervenir, de peur d'être pris dans le burden sharing en cas de stress majeur.

Face à cette situation, les banques portugaises cherchent, d'une part, à réduire la taille de leur bilan et, d'autre part, à collecter plus de dépôts qui viendraient se substituer aux emprunts obligataires et aux facilités BCE. Elles doivent également lutter contre la baisse de qualité de leurs actifs, avec des NPL (non performing loan ou créance douteuse) en constante augmentation depuis 2007.

Mais ne nous leurrons pas : le salut du système bancaire portugais viendra de l'état des finances publiques du pays, et de nulle part ailleurs. De ce point de vue, les signaux sont plutôt encourageants : le Portugal est le seul pays d'Europe qui, hors éléments exceptionnels, a significativement réduit ses dépenses publiques et son déficit public, sa balance commerciale et sa compétitivité s'améliorent rapidement et le programme UE-FMI avance correctement. Le retour du pays sur les marchés de capitaux, qui paraissait du domaine de la science-fiction il y a seulement un an, est aujourd'hui envisageable. Les spreads de crédit souverains se sont remarquablement resserrés. Même si le chemin est encore long et semé d'embûches, le Portugal pourrait bien devenir le « bon élève » de l'Europe, celui qui a appliqué avec rigueur et efficacité le médicament qu'on lui avait prescrit (quoi que l'on pense de l'efficacité de ce médicament) et ses banques ont retrouvé un statut plus conforme à la description qu'en faisait le FMI il y a six ans. Il y a naturellement une condition sine qua non à ce scénario rose : que son voisin espagnol ne sombre pas dans la faillite car les liens entre les deux pays sont trop forts pour que le Portugal y résiste.