Participation financière des salariés : la fin d'un modèle ?

Par Patrice Roussel  |   |  706  mots
Reuters
Patrice Roussel est directeur du centre de recherche en management de Toulouse.

François Hollande a annoncé le 28 mars que les Français bénéficiant d'accords de participation aux résultats de leurs entreprises pourraient en débloquer les montants pendant une durée de six mois, sans pénalité fiscale. « Tous ceux qui veulent utiliser [ces fonds] pour quelque achat que ce soit - jusqu'à 20.000 euros - pourront le faire », a armé le chef de l'État. Une proposition de loi a été déposée dans la foulée et sera discutée à l'Assemblée nationale dès le 19 avril. Faut-il se réjouir de cette décision explicitement destinée à relancer le pouvoir d'achat? Nous n'en sommes pas sûrs.

La mesure va d'abord creuser les inégalités. Seront concernés par cet avantage fiscal temporaire, essentiellement, les employés qui perçoivent les meilleurs salaires, car les entreprises qui versent les sommes les plus importantes au titre de la participation sont également celles qui pratiquent les salaires les plus élevés, d'après les enquêtes annuelles de la direction des études statistiques du ministère du Travail (Dares).

De plus, les salariés des PME et TPE ne seront quasiment pas concernés par ce coup de pouce au pouvoir d'achat, car moins de 20% d'entre eux bénéficient des dispositifs de participation. Or, ces personnels, en moyenne moins bien payés et plus précaires, sont aussi ceux qui ont le plus souffert de la fin de l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires. Ils sont les grands perdants de la politique menée par le gouvernement actuel.

François Hollande fait preuve par ailleurs d'une certaine incohérence. Certes, il avait montré l'été dernier que la participation financière, symbole du gaullisme social, n'était pas une de ses priorités, en faisant plus que doubler les prélèvements sociaux, mettant ainsi en difficulté les entreprises les plus engagées dans ce domaine. Mais à l'automne, il avait semblé changer de cap, annonçant pour 2013 lors d'une visite à l'entreprise Lucibel, une refonte des mécanismes avec élargissement de la participation aux PME et stabilisation des taxes. Quatre mois plus tard, tout semble à nouveau remis en cause.

Participation et actionnariat salarial renforcent la compétitive

Il serait pourtant navrant que la conjoncture difficile réduise à néant les ambitions affichées par le chef de l'État en novembre dernier, car les sommes concernées et les enjeux sont considérables. François Hollande avait parlé de 4 millions de Français concernés. En réalité, l'ensemble des versements au titre de la participation, de l'épargne salariale et de l'épargne retraite collective concerne près de 7 millions de salariés qui perçoivent en moyenne 2335 euros par an. Ce n'est pas rien. Des recherches récentes ont par ailleurs montré tout l'intérêt managérial et économique de la participation. Les entreprises qui introduisent des systèmes de partage de profits obtiennent des gains de productivité de 7% à 9% supérieurs à celles qui ne les utilisent pas. Il est prouvé que ces gains sont particulièrement élevés lorsque les entreprises associent intéressement et participation, et sont encore accrus lorsque ces outils sont combinés à des plans d'épargne salariale.

Des études menées par des institutions financières ont également mis en évidence que les performances économiques des entreprises à fort actionnariat salarié étaient supérieures aux autres, et que ces entreprises passaient nettement mieux le cap des crises économiques et boursières. L'actionnariat salarié se révèle également une excellente arme anti-OPA.

La flexibilité des rémunérations rendue possible par les mécanismes de participation financière permet aussi de limiter les licenciements en période critique, grâce à une meilleure maîtrise de la masse salariale. C'était une des raisons d'être des incitations fiscales accordées depuis 1986. Enfin, la participation financière est devenue le socle du financement de l'épargne salariale et de l'épargne retraite collective. Des déblocages massifs, tels ceux prévus aujourd'hui, risquent d'entraîner un assèchement des ressources qui leur sont destinées... à l'heure où l'on s'inquiète précisément du financement à venir des retraites. Peut-on négliger de pareilles données?